13 décembre 2016

M Ross Perkins - S/T (2016)

Le premier album du sieur M Ross Perkins est la belle surprise de cette fin d'année. Venu de Dayton dans l'Ohio, ce drôle de bonhomme, amateur de fourrures et de pop léchée vient de sortir un disque remarquable à plus d'un titre.
Un disque à l'ambiance apaisée sur lequel, M Ross Perkins qui joue de tous les instruments et assure toutes les parties vocales, arrive à capter l'essence des enregistrements fin sixties / début seventies et à en offrir une relecture toute personnelle.
Un disque à la cool, parfait pour décompresser après une journée chargée, idéal pour oublier ses soucis du quotidien.
Si "Humbold County Green" ou surtout "Let A Little Lazy" lorgnent avec brio du côté d'Harry Nilson, "Project 63 Online" quant à lui est un titre excellent sur lequel on passe d'un rythme typique de ce que pouvait produire Donovan à des harmonies vocales façon Beatles du plus bel effet.
En deux titres on est conquis. Et la suite est à l'avenant.
"My Poor Daughter" et surtout "Someone Else", bouleversante sans tomber dans le pathos, ont ainsi le même charme que les premiers enregistrements solos d'Emmit Rhodes.

Le talent mélodique de Ross Perkins est indéniable. On pourrait vanter ses qualités vocales mais le plus frappant reste cette capacité à transcender ses morceaux par des arrangements brillants qui permettent ensuite à ses talents de chanteur de s'exprimer. Il suffit d'écouter un titre comme "Ever Ever Ever", la façon dont il est construit pour comprendre que l'on a affaire ici à un orfèvre, un maniaque du détail qui ne laisse rien au hasard. L'utilisation ici d'un piano ou là d'un mellotron enrichissant la palette musicale.
C'est sans doute cela qui lui permet de s'essayer avec réussite à d'autres sonorités comme sur ce "Amazing Grace (Grandma's dead)" qui sonne comme si les Beatles s'étaient mis au boogie ou "Habit-Formin' Drugs"aux accents country.
Finalement on a parfois qu'un seul regret c'est que certaines pistes soient trop courtes notamment "Annie Waits In A Dream" qui porteuse de plein de promesses s'arrête au bout d'un peu plus d'une minute frustrante. Heureusement "Of The Gun" qui lui succède conclue brillamment ce disque hors du temps, old-fashioned comme diraient nos amis anglo-saxons.

Avec ce premier album, qui en appelle d'autres on l'espère, M Ross Perkins fait une entrée plus que remarquée dans le giron des songwriters de talent.
Splendide.

Frank

Tracklist :
1. Humboldt County Green
2. Project 63 Online
3. My Poor Daughter
4. Someone Else
5. Ever Ever Ever
6. Let A Little Lazy
7. Amazing Grace (Grandma’s Dead)
8. Habit-Formin’ Drugs
9. Local Showcase
10. No Good Sons Of Galveston
11. Annie Waits In A Dream
12. Of The Gun

Audio et vidéo :





1 décembre 2016

Blues Rules 2016 (Crissier - CH)

Blues Rules? Vous avez dit "Blues Rules"? Ces deux mots résonnent et tourbillonnent... car votre mémoire est bonne: les chroniqueurs de Rawpowermag' avaient déjà usé de leur plume pour vous raconter l'étape parisienne de la caravane du Blues Rules en 2013, sans oublier l'interview des Left Lane Cruiser.

Prenant notre courage (et le volant de la voiture) à deux mains, on a donc franchi les Alpes tel un Hannibal des temps modernes (dans le sens France-Suisse cependant) pour répondre à l'invitation lancée par les organisateurs et passer le week-end du 20-21 mai au Blues Rules. Chez Rawpowermag', on n'a donc peur de rien: ni des reportages embedded à l'étranger, ni des interviews in english, ni de l’absinthe suisse, ni d'une nuit au fond d'un bunker... ("ça  nous change de vos jeunes confrères experts musicaux qui pondent leur chronique depuis leur fauteuil cuir club en buvant une suze" nous direz-vous).  Voici donc le compte-rendu subjectif d'un des meilleurs festivals d'Europe (dans notre panthéon personnel).

Le cadre? Le "château de Crissier", sans comparaison avec Chambord ou Carcassonne, disons une belle bâtisse disposant d'un domaine verdoyant avec une vue au loin sur le lac Lémant. La scène est placée en bas d'une faible pente engazonnée, permettant une réelle proximité du public avec les artistes (un des nombreux atouts du festival). Les quelques pâtures aux alentours donnent de l'espace à ce lieu magique, ponctué de quelques gargotes pour apaiser la faim et la soif du chaland. Dans le public, on croise toutes les populations de festivaliers: des locaux, des fans de blues et/ou de jazz (parfois affiliés au BAG) ayant fait un peu de route, des jeunes, des vieux, des familles, des "routards" de festival (reconnaissables à leurs avant-bras garnis de bracelets d'entrée)...

Les instigateurs de ce festival? Vincent Delsupexhe (qui assure maintenant la programmation au Tennessee Paris), Thomas Lecuyer et l'association "Blues en scène", bref que des passionnés de blues sous toutes ses formes (delta, hill country...)!

En 2016, la programmation a volontairement une couleur "gospel" avec la présence de vrais et faux révérends. Parmi les "vrais" (les plus religieux): K.M. Williams, Gabe Carter, Leo Bud Welch. Parmi les "faux" (les plus profanes): DeadEye (et encore ça se discute...), James Leg et Beatman.

Le festival est ouvert par le chœur gospel local, Madrijazz, mais les choses vraiment sérieuses commencent dès 19h avec le set de Mississippi Gabe Carter (interviewé en 2013 à Binic). Si sa fameuse guitare Kay et son stompbox sont toujours là, le son a un peu évolué (moins de reverb peut-être) même sur ses classiques comme "Ain't it a shame". Une certitude reste: son répertoire donne une large place à la musique religieuse. Mais, sans le dire, ce prêcheur est aussi un peu filou en nous gratifiant d'une version personnelle, rapide et enlevée de "I am born to preach the gospel" (de Washington Philips - 1928). Les plus chanceux, matinaux ou croyants (c'est selon) auront même eu le plaisir de l'entendre le dimanche matin dans le temple de Crissier.




Le Révérend K.M. Williams est un personnage à lui tout seul, alternant explications de texte, commentaires sur le blues et blagues légères sur le chocolat suisse ou les rapports entre les gents masculine et féminine, avec le regard tantôt pénétrant, tantôt malicieux. Aidé de sa guitare, il enfonce le clou planté par le répertoire de Gabe Carter ; l'homme aimante l'attention du public de façon rare. On notera sa reprise de "Sittin' on the top of the world" (enregistrée par Walter Vinson et Lonnie Chatmon, membres des mythiques Mississippi Sheiks en 1930) où le bourdon de sa cigar-box (aussi appelée one-string guitar) remplace le violon originel. Lorsque le Révérend croise Gabe Carter, on sent une camaraderie et un respect mutuel - le 1er s'est d'ailleurs occupé de l'office lors du mariage du 2nd.




Reverend DeadEye, peut-être le plus rock'n roll des prêcheurs profanes. DeadEeye et son batteur (une sorte de sosie de Mario?) se connaissent par cœur, ce qui donne libre cours à DeadEye pour proposer quelques variations scéniques de ses propres chansons. Comment ne pas se remuer sur "Drunk on Jesus"? Verser une larme sur "Underneath the Ground"? Le boogie et la religion ne sont pas incompatibles (contrairement à ce que voudrait nous faire croire Laying Martine Jr - la version de Jerry Lee Lewis).




Parce que d'autres en parlent peut-être mieux que nous (et que notre mémoire nous fait parfois défaut - surtout quand on termine un article 6 mois après l'avoir commencé), on vous laisse le soin de lire les impressions qu'ont laissées le légendaire Mighty Mo Rodgers ou encore le Reverend Beatman (qu'on croise régulièrement en France lors de festivals). Soyez rassuré(e), la soirée ne s'est pas arrêtée pour autant puisque des jams se sont organisés entre les différents musiciens, avec notamment les deux compères de The Two (qui offraient leur service côté sonorisation), sous une tente installée derrière la scène. L'ambiance y était cool, à l'image du festival. Il faut dire que les efforts déployés par l'organisation pour permettre aux artistes de se sentir comme chez eux étaient non négligeables (un catering hyper alléchant, des bénévoles motivés et au petit soin, une masseuse...).

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En matière d'entrée sur scène à un festival de blues, on peut dire que celle de Floyd Beaumont & the Arkadelphians restera dans les annales. Le groupe suisse en oublie complètement la douce régularité des trains des CFF et nous embarque d'office dans un rutilant sermon ferroviaire où chaque arrêt est une repère de pêcheurs (jeu, vol...). Le regard de Dieu, prêt à nous marquer au fer rouge, est presque sur nous! En réalité, leur version est une adaptation des sermons du révérend A.W. Nix où celui-ci fait référence au "Black Diamond Train", train reliant New-York à Buffalo jusqu'en 1960 et transportant également de l'anthracite [on remercie Enno Geissler d'avoir éclairé notre lanterne sur ce point]. Telle une locomotive à vapeur, le groupe se met en marche: harmonica, washboard, contrebasse, guitare, dobro... Face à nous prend forme un véritable string band. La rythmique impeccable fait son office, ça tape des mains, des pieds, ça remue du postérieur sur des morceaux traditionnels et éternels. "Deep Elm Blues" [enfin je crois que c'était ça...] et bien d'autres morceaux blues ou country pre-war [avant la 2nde guerre mondiale]. Les aficionados du festival se souviendront surement du 1er passage de Floyd Beaumont & the Arkadelphians (en 2011), et ont dû apprécier ce nouveau line-up. D'ailleurs on s'est laissé entendre dire que, cette fois, c'était la bonne, et qu'un 1er album serait bientôt en cours d'enregistrement. Gageons que vous serez nombreux à y jeter une oreille plus qu'attentive.



Molly Gene, la one-woman-band experte dans l'art de l'équilibre entre rage et blessure étouffée, dont le taulier du site (Frank) vous parlait déjà en 2011. Vu l'énergie dégagée sur scène, on a du mal à croire que Molly est, à ses heures perdues, professeure de yoga. Plutôt fuyante face aux demandes d'interview, elle se libère complètement sur scène et malmène sévèrement son footdrum. À certains, son chant rappelle le strohbass ("voix craquée" assez basse - comme sur "Delta Thrash Way"), d'autres y voient plutôt l'héritage d'un country blues ancestral. Elle pioche ses titres dans ses anciens albums (Hillbilly Love - 2010, Folk blues and Booze - 2011) comme les plus récents (Trailer Tracks - 2016, Dela Thrash - 2015). Ici aussi, pas de fautes sur les reprises, avec notamment celle de "Standing in my doorway crying" (de Jessie Mae Hemphill - fantastique blueswoman à découvrir absolument).




Le festival était aussi l'occasion de revoir Leo "Bud" Welch (déjà venu en 2014) qu'on avait croisé au Red's de Clarksdale (Mississippi) quand il avait décidé de reprendre du service. Évidemment, il ne faut pas s'arrêter aux efforts déployés par cet octogénaire pour apparaître au mieux de sa forme dans cette messe du blues: la guitare à paillettes rouges et ses (magnifiques) chaussures assorties (à la guitare), le costume brillant avec une rose épinglée... "une autre notion de la classe que Mighty Mo Rodgers!" oseront certains. De tout son set, on regrettera la reprise de "Sweet Home Chicago"... Mais, comme aurait pu dire un grand échalas du haut de sa croix, "tout est pardonné".



Juste après, la capitale française du rock'n roll populaire, Montreuil, a fait entendre sa gouaille et son style inimitable - entre rock'n roll, chanson française, country, musique manouche... - pour nous infliger une baffe musicale monumentale. Ah, les 4 gars de Johnny Montreuil, cette touche incroyable avec ces solos d'harmonica sidérants (merci Kik), avec la basse et la guitare flirtant avec le style rockab', et puis cette voix! "Artiste de bar", "Wesh leur leur" (dédicace aux contrôleurs de la RATP...), "Devant l'usine" (luttes syndicales), "J'ai le cœur qui saigne" (une autre forme de blues?) ont su conquérir un public en un instant. Il fallait entendre le public reprendre le refrain sur "Le Blues du Ferrailleur": je m'en vais chiner la ferraille dans mon gros camion... pour la convertir en dollar dans mon beau camtar!



Fin connaisseur de Nina Simone, James Leg et son batteur (Matt Gaz) sont venus rappeler à l'audience que le Rhodes est un très bon clavier pour le rock'n roll et le gospel. Pas de fioritures, on retrouve la voix - teintée de whisky - et le jeu de claviers typiques des albums de James Leg, et des Black Diamond Heavies. Si vous n'avez un disque de lui et/ou de son groupe, il vous faudra absolument réparer cette faute sous peine de damnation sur 5 générations (6 si vous travaillez chez Planetgong...).



Clou du festival: la participation du Cedric Burnside Project! Petit-fils de R.L. Burnside, Cedric propose une restitution d'un double- héritage familial dans un duo batterie - guitare avec Trenton Ayers (lui-même fils d'Earl "Little Joe" Ayers qui officiait dans le backing band de Junior Kimbrough). Depuis plusieurs années, Cedric entretient des liens d'amitié forts avec Vincent Delsupexhe, et sa joie de pouvoir rejouer à Crissier est communicative. En début de concert, Cédric et sa guitare font humblement face au public pour distiller un peu de son héritage personnel avec 2-3 chansons intemporelles, dont "Poor Black Mattie" (du paternel). Le duo Burnside-Ayers se met ensuite en place: Cédric au chant et à la batterie, Trenton à la guitare. Sous son chapeau noir, Trenton semble surexcité: il trépigne, sautille, fait quelques pas chaloupés avec sa guitare... "Wash my hands", "Sing about the blues", des versions revisitées de "Going down South" et "Going away" (du paternel), les titres s’enchaînent alors que la nuit est déjà tombée depuis longtemps... Le public est conquis, et nous aussi.


 


Là où les festivals les plus connus (Montreux Jazz, Cahors Blues...) se sont vautrés par le passé, notamment en programmant de têtes d'affiche "rock" (ou assimilés) plutôt insidpides (à côté de très bons artistes blues/folk il faut le reconnaître), le Blues Rules - lui - tire son épingle du jeu en proposant une programmation cohérente autour du blues.

Longue vie au Blues Rules!

(Pour prolonger le plaisir, on vous file aussi un dernier lien vers des interviews réalisés avec différents groupes sur un site suisse. En attendant qu'on trouve le temps de transcrire la longue interview avec le Reverend DeadEye...)

John the Revelator

PS: Merci à Vincent, Ratel (capitaine logistique), Rapido et MrRoryBlues (pour leurs vidéos!), aux bénévoles du festival et toutes les personnes rencontrées pour leur accueil. S'il est une certitude, c'est bien que ce festival n'aurait pas été une réussite sans eux.

13 novembre 2016

Dan Rico - Endless Love (2016)

La première fois que l'on a vu cet album de Dan Rico, on a avoué avoir eu un petit tressaillement. La faute à cette pochette à se faire pâmer d'émoi les fans de Sade (1) et d'effroi les autres.
Pourtant comme vous le savez, érudits lecteurs, on ne juge pas un livre sur sa couverture. Et dans le cas de Dan Rico ce serait passer à côté d'un très bon disque.
Sorti en co-prod chez Shit In Can Records et Maximum Pelt, ce premier album solo de Dan Rico est en effet un concentré de titres pop de haute volée.
Le début du disque, en plus de dévoiler les influences du bonhomme, n'est d'ailleurs pas loin de titiller la perfection.
"Soft Feeling" est ainsi le genre de titre que nous proposait il n'y a pas si longtemps un groupe comme Harlem, de la pop gentiment bancale et toujours attachante. "Endless Love" paye son dû à la fois à Big Star et aux Nerves - rien que ça - tandis que "Kinda Wanna" par son rythme et sa mélodie évidente n'est pas sans évoquer les Buzzcocks. "On A Tear" quant à elle, c'est un peu les Ramones quand ils reprenaient "Needles And Pines". Sur ces quatre titres la magie opère, Dan Rico s'approche, tutoie même, le génie de ces illustres prédécesseurs.
Après ce début en fanfare, le soufflé retombe un peu sans que pourtant on ne décroche du disque, Dan Rico se montrant suffisamment convaincant sur les deux ballades "Smoking Curls" et "Don't Look Back" pour retenir l'attention.
"Casual Feeling" vient amener un petit coup de fouet avec sa structure très Television, "Wasted Youth" et "Gimme A Taste" poursuivant l'effort en mode powerpop complètement débridée.
"Dangerous" est un autre temps fort du disque, sans doute le titre qui a le plus de personnalité, celui où on ressent moins les influences de son auteur. Il est bon de signaler que Dan Rico est un mélodiste hors-pair tant vocalement (on adore son timbre gentiment étouffé comme sur "Cold Cold Heart") qu'une guitare à la main.
Et cela contribue grandement à la réussite de cet album qui ressemble à une fête durant laquelle Dan Rico rendrait hommage à ses idoles. On lui pardonne d'autant plus la sortie de route "After All" avec ses synthés agaçants, seule réelle fausse note d'Endless Love.
Mais retenons l'essentiel : Endless Love est un disque touchant, émouvant et profondément attachant.

Frank

(1) merci Peter pour nous avoir signaler la proximité avec la pochette de Diamond Life de Sade !

Tracklisting :
01-Soft Feeling
02-Endless Love
03-Kinda Wanna
04-On a Tear
05-Smoking Curls
06-Don’t Look Back
07-Casual Feeling
08-Wasted Youth
09-Gimme a Taste
10-Dangerous
11-Cool Cold Heart
12-After All

Audio et vidéo :

25 octobre 2016

Qualité Made In France - Acte XVI Spécial Cojones

Domadora - The Violent Mystical Sukuma (2016)

"Hypnosis" le titre qui ouvre The Violent Mystical Sukuma deuxième album du trio Domadora dévoile un titre instrumental sur lequel le groupe laisse libre cours à leurs envies jammesques au gré d'un morceau d'obédience stoner... Dis ainsi, le cocktail proposé par les Domadora semble présenter quelques similitudes avec celui des illustres Karma To Burn. Ce serait faire néanmoins injure aux Domadora qui ont pour eux quelques talents singuliers qui les démarquent des texans même si leur influence sur ce "Hypnosys" est patente.
Dans le son tout d'abord puisque les Domadora n'hésitent pas à donner dans le heavy ("Jack Tripping") ou à matinée le tout d'effluves psyché histoire de varier les plaisirs.
Ainsi "Indian Depression" paye son dû à Black Sabbath tandis que "Rocking Crash Hero" leur permet de donner dans un heavy rock de facture plus classique mais tout aussi efficace.
Ensuite, même si "Hypnosis" et "Solarium" pourraient donner l'illusion de jams interminables au vu de leur durée (respectivement douze et seize minutes) et de leur côté exclusivement instrumentales, les Domadora ont pour eux une maîtrise incroyable des tempos, une capacité à relancer la machine quand celle-ci menace de se gripper. Pour faire simple, les Domadora jouent juste et ne se perdent jamais en route, écueil principal de l'exercice.
Résultat, ce The Violent Mystical Sukuma est un disque d'une grande efficacité (la géniale "Girl With A Pearl Earing"), au son parfait (le disque est enregistré pour partie en studio et pour partie à l'Auditorium du Louvres), puissant et équilibré qui devrait plus que contenter les amateurs du genre.
On vous cache pas que l'on a découvert les Domadora avec cet album et que l'on regrette d'être passé à côté de leur premier effort, Tibetan Monk, qui semble valoir lui aussi le détour.
Les Domadora sont assurément une valeur sûre du genre.




11 Louder - Monkey Business (2016)

On reste dans le solide avec le premier album des speedrockers dijonnais de 11 Louders. Douze titres dans la grande tradition du genre qui, là où il est, doivent faire frémir de plaisir la moustache de feu Lemmy ou lui mettre la banane, ce qui ma foi serait fort a propos.
Mais revenons à nos dijonnais qui offre là du bien bel ouvrage, et comme leurs voisins de Iron Bastards s'y entendent pour faire du neuf avec du vieux.
Riffs bien secs, rythmique aux petits oignons, et un chanteur convaincant dans son rôle de hurleur, les 11 Louder enquillent les perles : "Louder Than 11", "Queen Of Spanking", "User Guide", l'hymne "Crazy Teenagers", "The Song Of The Man" sont des modèles du genres.
Mais ils savent aussi varier les plaisirs et jouer remarquablement sur les variations de tempo comme sur "Magic Fluid", la remarquable "This Is My...", le groovy (si si) "Never Rest", tout comme donner dans le très lourd ("Buckle Up!") avec la même réussite.
On avait pas entendu parler du groupe auparavant, pourtant fort de quelques EPs en six ans d'existence, mais le moins que l'on puisse dire c'est qu'après ce Monkey Business on a pas envie de lâcher l'affaire.



Eight Of Spades - Ten Years Of Fucking Rock N Roll (2016)

Vous reprendrez bien un peu de speedrock ? Comme les 11 Louders, les Eight Of Spades ont biberonné sévère au Motörhead étant jeune, et goulûment serait-on tenté de dire à l'écoute des dix titres de ce Ten Years Of Fucking Rock N Roll. Le côté plus heavy de certains titres nous a rappelé également Vulcain qui déjà en leur temps présentait quelques similitudes avec la bande à Lemmy.
Signalons également que les Eight Of Spades ne sont pas les perdreaux de l'année, puisque cet album est le troisième en dix ans pour la formation du Val d'Oise.
Résultat on a affaire à un album carré, précis et efficace, un album sans prise de tête, jamais démonstratif, qui contient son lot de titres marquants : "One Beer Baby", "The Dead Man's Head", "Go!" ou "Ten Years Of Fucking Rock N Roll".
Pour fans de rock saignant.



Iron Lizards - Red EP (2016)

Une fois n'est pas coutume, on ne vas pas parler d'un disque sorti physiquement mais d'une découverte bandcamp (a priori quelques K7 sont vendus lors de leurs concerts, à vérifier)(1).
Un power-trio qui affiche tout au long de cet EP, un réel savoir-faire. Entre speed et punk rock à la Hellacopters, les six titres sont autant d'uppercut en pleine face, six titres d'un rock and roll généreux qui s'il n'invente rien, se réinvente bien. Une preuve supplémentaire qu'avec talent et conviction on arrive toujours à satisfaire son monde.
La qualité de titres comme "Ladies Night In Hell", "Midnight Queen", "My Dad Was A Race Car Driver" ou le final "Döppleganger", devraient inciter un label bien intentionné à se pencher très vite sur ce groupe.
Sinon c'est à désespérer.

(1) EDIT : Les K7 sont sorties sur le label allemand Janml Records (100 copies)
janmlrecords.bigcartel.com/product/iron-lizards-red-ep-yellow-tape-downloadcode




20 octobre 2016

Qualité Made In France - Acte XVII (Montreuil, comptoir et grande oreilles...)

Gommard - Live in MonStreuil (2016)

Gommard. LE Gommard...
Pour les plus experts d'entre vous, il évoquera irrémédiablement le nom du chien d'un des musiciens. Pour les plus mélomanes (et éventuellement alcooliques), il évoquera des soirées inoubliables dans des bars comme le Chinois, le Café des Sports, l'Armony, le Comedia... où la scène montreuilloise faisait ses armes et défendait chèrement son territoire (face aux fermetures administratives et pressions diverses...).
Les 6 comparses ne sont pas inconnus de nos services: des informateurs bien placés, certains ayant déjà des cheveux blancs, suivent leurs faits et gestes depuis longtemps. Concerts dans des bars, des squats... De véritables "serial players" comme disent certains. Tendance "rhytm'n blues et rock'n'roll qui auraient plu à des punks" si vous voyez ce que je veux dire, ils n'ont d'ailleurs pas peur de faire des reprises de pépites oubliées.
Voyez le tableau: Kik (chant, harmonica), Eric (batterie), Bob (basse), et le trio Maxime-Pierrot-Bruno pour le braquage guitaristique! Se sachant recherchés par nos plus fins limiers, ils ont tardé à sortir un disque, mais ont fini par  enregistrer cet album en 2 sessions live à l'Armony en janvier dernier. La pochette sérigraphiée est magnifique... et s'échange sous le manteau pour des sommes faramineuses d'après nos indic'.
Au programme parmi les 10 titres, de belles reprises aussi bien en anglais qu'en français: "Teenage Head" (Flamin Groovies), "Preachin' the blues" (R. Johnson / Gun Club / Solead Brothers), "Les révoltés du bloc G" (OTH)... mais aussi des titres plus personnels avec "Les Zomatoufaire" ou encore "Y a du baston dans la taule" (un véritable hymne à lui tout seul!). Ce dernier titre rappellera également des mauvais souvenirs aux plus anciens d'entre nous, notamment la 1ère page du "Parisien" d'avril 1986: "Montreuil: 200 punks attaquent la police"...
Ne pouvant terminer mon exposé sur une note aussi négative pour nos services, je vous rappelle que ce disque est une valeur sûre sur le marché noir de la galette vinyle, "un petit bijou brut de contrebande" aux dires des locaux. Donc, priorité absolue lors de vos prochains contrôles chez les disquaires parisiens!




PS: L'auteur de ces lignes est aussi membre du label associatif "Mauvaise Foi Rds" (en co-production avec le Gommard pour ce live), vous voilà donc informé(e) et aucun manque de transparence ne pourra ainsi nous être reproché. Notez quand même que vous pouvez accéder à notre page de doléances/recours administratifs en faisant un clic gauche sur votre barre d'adresse, puis en appuyant sur "alt"+"F4".


Johnny Montreuil - Narvalo City Rockerz (2015)

Il n'y a que la banlieue montreuilloise pour permettre l'alchimie nécessaire à l'émergence de Johnny Montreuil!
Les 5 membres du groupe ne sont pas des minots nés de la dernière pluie, plutôt des canailles rappelant l'époque où les épithètes "prolo", "manouche", "rital", "gadjé", "marlou" roulaient sur le pavé, entre les lèvres d'une population hétéroclite et fière de son travail ouvrier.
Ces gars-là ont vu du pays, vécu 100 combats et galères, écouté et dansé sur 1000 choses. Rien que sur l'étiquette, le mélange était de bonne augure: guitare électrique (Rön), harmonica (Kik), contre-basse (Johnny), mandoline/violon (Géronimo), piano et batterie (Tatou). Le français est largement teinté d'argot, d'arabe...
Imaginez, écoutez, ces 8 pistes qui s'entrecoupent dans des styles différents: ballade nocturne ("Oh Liège"), complainte ("Le cœur qui saigne"), revendication d'une forme de résistance et de liberté (le countrysant "Devant l'usine", "Par les toits"), ou encore clin d’œil goguenard moderne à l'alcoolisme (les hoquets de "Bois de l'eau") ou aux poinçonneurs (la perle de "Wesh leur-leur"). Tout ça pour donner une identité incroyable à cet album, témoignage supplémentaire d'une diversité que d'autres préfèrent ignorer. Sur ce disque, les 5 comparses de Johnny Montreuil sont bons, très bons même... Et puis, on a aussi une certaine idée de leur travail "en famille" avec les invités tels que Gigi Pantin ("Bois de l'eau"), Rachid Taha ("L'amour aux balcons")...
Dernière chose à noter, la "spéciale dédicace" de cet album est pour Schultz (le fameux boss de la Clinik du Dr Schultz, le membre de Parabellum, des Tontons flingueurs et bien d'autres...) disparu en 2014 et auquel la scène montreuilloise continue de rendre un hommage vivant, légitime et appuyé.
Bref, ce n'est plus de "l'échantillon de la scène locale" pour journaleux là, mon bon m'sieur! C'est du concentré de bars, de l’élixir du meilleur pinard, de la 1ère pression de ricard! Bon. Autrement, c'est pas tout ça mais il boit quoi le monsieur?



John The Revelator

15 octobre 2016

Et Pour Quelques 45 De Plus - Acte VI

EMBROOKS - NIGHTMARE / HELEN (2016)

Plus de dix ans que l'on attendait le retour des Embrooks...
C'est peu dire que c'est avec beaucoup d'émotions que l'on a posé ce nouveau single des auteurs de l'incroyable Yellow Glass Perspections, sommet du garage rock sorti en 2004. Un classique qui dépasse d'ailleurs le simple monde du garage.
Et le moins que l'on puisse dire c'est que Mole, Alessandro Cozzi Lepri et Lois Tozer font un retour en grande forme avec deux nouvelles pépites "Nightmare" et "Helen", qui reprennent là où on les avait laissé : dans une bulle spatio-temporelle bloquée en 1966 (les Who et autres Creation constituent toujours des influences majeures du groupe).
Un 45T à se procurer d'urgence.
On espère maintenant simplement que cela ne soit pas qu'un one shot, et qu'un album est en préparation. Les Embrooks nous ont terriblement manqué.




PINK SLIP DADDY - GOOD HARD ROCK (2016)

Puisque l'on en est à évoquer des retours, signalons celui des Pink Slip Daddy, de Palmyra Delran et Mick Ferguson, groupe américain eighties qui a eu son heure de gloire au début des années 90 et a signé un album recommandable chez Sympathy For The Record Industry (Rock Damage & Other Love Songs en 1994).
Après une carrière en dents de scie, faits de splits et de reformations, on était sans nouvelle depuis un single il y a quelques années.
Et c'est Kizmiaz Records qui rappelle à notre souvenir le combo qui sort de sa retraite avec un 45 à l'ancienne, du bon rock and roll old school, à l'image du bien nommé "Good Hard Rock".
"Bristol Stomp" et "Outskirts" en face B, poursuivent l'effort dans la même veine d'un pub rock jovial et séminal.




JACUZZI BOYS - HAPPY DAMAGE (2015)

Puisqu'on en est à rattraper le temps perdu, il est plus que temps d'évoquer un superbe EP sorti l'an passé et que l'on doit aux Jacuzzi Boys. Il fallait que l'on parle absolument de ce disque et ce pour de nombreuses raisons.
Tout d'abord parce que leur troisième album sorti en 2013 était une vrai sortie de route, le genre de disque à oublier, alors que ce Happy Damage est une vraie bouffée d'air frais, un disque jouissif, tout ce que l'on était en droit d'attendre du groupe.
Ensuite parce que le morceau-titre est sans doute le titre que l'on a le plus écouté l'an passé. Un hit absolu. Sur ces six titres, les Jacuzzi Boys, en grande forme, y dévoilent toutes leurs influences, font montre d'une vraie sensibilité powerpop sans jamais rompre avec leur côté nineties qui fait tout le sel de leurs précédents enregistrements ("Sun" présente quelques proximités avec l'oeuvre des Pixies).
Enfin, ultime raison, très prochainement le groupe devrait sortir un nouvel album que l'on espère du même tonneau.
Croisons les doigts.



WAHYAS - THIRD EYE / POLARIZED VISION (2016)

Poursuivons dans les oublis avec la sortie en début d'année, en coprod Six Tonnes De Chair Records / Shipwrecked Records de ce 45T des Wahyas, duo venu de Caroline Du Nord et composé de Joshua Johnson et Lindsay Sprague. Formule minimaliste donc, guitare / batterie, au service d'un garage rock particulièrement acéré et addictif.
Sur "Third Eye", Lindsay prend les refrains, le fait que les deux chantent sur les couplets apporte une réelle plus-value mélodique à l'ensemble.
On est particulièrement curieux d'entendre ce que le groupe proposera par la suite.



MAIORANO AND THE BLACK TALES – DECONTROL / NOT MELLOW ANYMORE (2016)

L'année dernière on vous avait présenté un album de rock and roll old school, venu d'Italie, le très bon Everything Boom d'Alex Maiorano And The Black Tails.
Les gars ont remis ça le temps d'un single, toujours sur le label allemand Off Label records (on en change pas une équipe qui gagne), qui prolonge le plaisir pris à l'écoute de l'album.
"Decontrol" et "Not Mellow Anymore" ne sont pas des chutes de l'album, vite assemblées en un single pour occuper le terrain mais bien deux titres qui ne dépareraient pas sur Everything Boom.
Juste la marque d'un groupe généreux.



4 octobre 2016

James Leg - Blood On The Keys (2016)

Un an après l'enthousiasmant Below The Belt, James Leg remet le couvert avec ce Blood On The Keys le bien nommé tant il résume assez bien l'ardeur et la foi que met James Leg dans chacun de ses enregistrements.
Ce qu'il y a de bien avec James Leg c'est que les albums ont beau se suivre, se ressembler, jamais on ne note de temps faibles, de coups de moins bien. La formule à beau être désormais éculée, James Leg reste impérial. Et ce Blood On The Keys ne déroge pas à la règle, bien au contraire.

Au programme on retrouve comme d'habitude des pistes punk blues rappelant ces années passées avec ses compères successifs au sein des Black Diamond Heavies, une bonne grosse dose de gospel sa marotte depuis qu'il oeuvre en solo, quelques reprises bien senties et histoire de montrer qu'il n'est pas un artiste comme les autres une ou deux surprises.
De ce point de vue le cahier des charges est parfaitement rempli. Mais trois choses surprennent à l'écoute de Blood On The Keys.
La première c'est cette capacité à entremêler les styles, à concilier au sein d'un même morceau ce qui faisait le sel des albums précédents. La deuxième c'est la place faîte à la guitare. Oui la guitare car James Leg offre une plus grande place sur ces enregistrements à l'apport de musiciens extérieurs qu'il n'en a proposé par le passé.
Enfin c'est le niveau général. Passez l'introductif "Human Lawn Dart" qui permet de se mettre dans l'ambiance, le niveau monte d'un cran et ne redescendra plus tout au long ds neuf titres restants. "Huggin The Line" et son mélange punk blues / choeurs gospel (oeuvre des Foxxxfire soit Kristen Kreft et Beth Harris, déjà à l'oeuvre sur Below The Belt) envoie le bonhomme loin, très loin de la concurrence. Puis déboule LA reprise, cette relecture du "Mighty Man" de Mungo Jerry, excellente comme à l'accoutumée et qui laisse toute sa place au jeu débridé à la guitare de Ruben Glaser.
S'ensuit l'impeccable "St Michel Shuffle", ballade à la James Leg serait-on tenté de dire, ponctué de quelques notes de piano et porté par des violons ! Étonnant autant que brillant. Puis en grand sentimental qu'il est, James Leg balance la délicate "I'll Take It". Ces deux derniers titres ayant permis de faire une pause bienvenue, James Leg remet l'ouvrage sur le métier avec "Aint You Hungry" et surtout "Dogjaw (Do Some Things You Say)"  en compagnie de l'inestimable Johnny Walker.
"Tao Te Leg" et une autre ballade bluesy plus loin, "Blood On The Keys", et voilà que déboule le dernier temps fort du disque, et dernier morceau tout court, une reprise déjantée - avec violons ! - du "Should've Been HomeWith You" de Blaze Foley.

On ne sait si James Leg parviendra à continuer à nous offrir des disques de qualité comme il le fait maintenant depuis neuf ans (on pourrait remonter aux Immortal Lee County Killers mais l'acte fondateur reste Every Dawn Time avec les Black Diamond Heavies). On craint même ce moment inéluctable que connaisse tous les artistes. Mais même si ce moment devait arriver, quand on regarde la discographie sans faille du bonhomme depuis ses débuts, on ne cessera jamais de l'admirer.

Frank

Tracklist : 
01. Human Lawn Dart
02. Hugging The Line
03. Mighty Man
04. St Michel Shuffle
05. I'll Take It
06. Ain't You Hungry
07. Dogjaw (Do Some Things You Say)
08. Tao Te Leg
09. Blood On The Keys
10. Should've Been Home With You

Audio et vidéo :