Impartialité : Qualité, caractère de quelqu'un qui n'a aucun parti pris ou de ce qui est juste, équitable.
Bigre, la tâche qui est la nôtre à l'heure d'évoquer la nouvelle sortie du label Mauvaise Foi Records n'est pas la plus aisée. Il faut dire que la présence de membres de ce blog au sein du label francilien est un secret de polichinelle. Il pourrait donc être difficile de nous croire si on vous annonce que ce Cataclysmic Events des Deadly Vipers est tout simplement un des meilleurs disques sorti cette année.
Et pourtant, vous fidèles lectrices et lecteurs, savez que jamais on ne vous mentirait pour de basses considérations mercantiles.
Jamais nous ne risquerions notre crédibilité, gagnée de haute lutte, pour céder aux sirènes du rock business.
On vous demande donc de nous accorder votre confiance et croyez nous vous ne le regretterez pas : cette nouvelle sortie Mauvaise Foi Records est tout simplement indispensable !
Quoi cela ne vous suffit pas ?
Laissons donc parler Béroalde De Fuzz, fine plume de Planetgong :
Mauvaise Foi Records et Detroit? Une longue histoire d'amour. Notre précédente sortie, le double album Fiesta des immenses The Go, en témoigne. C'est pourquoi on se désespérait un peu d'une certaine atonie de la scène garage là-bas. Les héros et les troupes se dispersaient, les nouvelles se faisaient rares. Elle était loin, l'époque des derniers feux, celle par exemple de la fameuse compilation Sympathetic sounds from Detroit.
Or voici que Timmy Lampinen, l'antipape de l'alien-punk (Clone Defects, Human Eye, Timmy's Organism: pour un parrain, on fait pire comme C.V.) nous vend du rêve: son nouveau groupe préféré, ce sont les Deadly Vipers (ex-Deadly Vipers Assassination Squad), quatre donzelles qui donnent dans le boucan tordu. Elles, elles appellent ça du « psychedelic sludge ». Qu'est-ce que ça signifie au juste, on n'en sait rien, mais ça sonne.
Sous le charme, Mauvaise Foi Records sort leur nouvel EP, Cataclysmic Events, qui fait suite à leur première démo (mai 2014) et au percutant Ourobouros (février 2015). En quatre morceaux, ces gamines étonnantes de cohérence multiplient trouvailles et motifs accrocheurs. D'entrée, « No Sovereignty » croise garage-punk et heavy-psych tout en soubresauts, oppressé ou trépignant, enrobé comme sur «Earth Girls are easy » de distorsion maladive. Au chant, Zoé Edwards alterne hululements post-punk, invectives sournoises et slogans aigres. Le garage rriotesque mue même en stoner fuligineux («Eden's pesticide »), à moins que ce ne soit l'inverse (« Left on Gophkah »). Entre autre rémanences, le son des Deadly Vipers, s'il s'inscrit en droite ligne des manifestes des Bikini Kill, renvoi aussi bien au punk nerveux des X qu'aux envolées du MC5 ou à la sauvagerie des Stooges, le tout avec une classe héritée de Suzi Quatro.
Les Mortelles Vipères n'ont pas peur du vrai bon mauvais goût et elles ont déjà un style. Leurs mauvais rêves sont épileptiques. Quatre ans après la mort de Poly Styrene, enfilons avec elles leurs lunettes fuzz à rayons-x pour l'EP spatial le plus punk-77 et psycho-féministe des dernières années.
Sinon pour les plus sceptiques, une simple écoute devrait vous convaincre :
Alors ? ça vous en bouche un coin hein ?
En conclusion pour l'acheter c'est ici que ça se passe :
Il est peu dire que les Dinosaur Truckers ont fait forte impression durant leurs 3 concerts durant le festival. Toutes cordes dehors (soit une guitare, un banjo, une mandoline, une basse ou une 2nde guitare, voire parfois une lap steel), le groupe ne s'est pas ménagé pour conquérir le public à coups de tubes country. Leur jeu de scène les emmène à travers la fosse avec l'instrumental "Mendigos armados", à scander d'incendiaires chœurs sur "Burn the Place to the ground", à placer une balade obscure avec "It's hellfire", ou à peaufiner de nouveaux titres comme "Ghost on a string" (qu'ils ont déjà joué avec Derek W Dunn de .357 String Band). A nos yeux, une des meilleures performances du festival, avec tout le respect qu'on a pour Bob Wayne...
Les Dinosaur Truckers: Tobi, Till, Daniel et Philipp
Dans une rue parallèle à celle longeant le port, sur quelques marches devant une boutique sise derrière le "Neptune", le groupe vient se serrer. Philip, Till, Daniel et Tobi ont accepté avec plaisir de nous accorder un peu de leur temps pour évoquer leur début et la suite...
John the Revelator: Lors de vos débuts, vous étiez connu sous le nom de Pistol Pete & the Dixieland Highgrass Band. Est-ce réellement votre 1er groupe? Comment avez-vous commencé?
Dinosaur Truckers (Philipp): Non, on a eu un autre groupe avec un bassiste.
John the Revelator: Pour Pistol Pete & the Dixieland Highgrass Band, vous étiez 5 également non?
Dinosaur Truckers (Daniel): Oui, il y avait une saxophoniste: Judith.
Dinosaur Truckers (Philipp): Lorsqu'on s'appelait encore Pistol Pete & the Dixieland Highgrass Band, j'étais Pistol Pete... Dinosaur Truckers (Till): On avait tous des surnoms idiots. Dinosaur Truckers (Daniel): On ne se prenait pas au sérieux. On voulait simplement boire des bières, jouer des chansons de Johnny Cash... Puis, c'est devenu de plus en plus sérieux et nous avons trouvé que ce nom de groupe était merdique.
Dinosaur Truckers (Till): Les gens commençaient à nous connaître, mais on a décidé de changer de nom. C'était nécessaire.
D. : Dans notre ville natale, les gens continuent de nous appeler Pistol Pete...
P. : Mais seulement là!
T.: Nous n'avons pas de frontman ou de leadsinger, donc il n'y a pas de besoin pour un nom comme Pistol Pete AND the... On est UN groupe.
Dinosaur Truckers (Tobi): Nous faisons tous les 4 face au public.
JtR.: Vous avez commencé en 2006, c'est bien ça?
D.: Oui, en 2006 mais c'était uniquement pour le fun. Les choses sérieuses ont commencé en 2010 lorsqu'on a réalisé une tournée.
JtR.: Vous vous êtes sentis professionnels à partir de 2010. Donc, entre 2006 et 2010, qu'avez-vous fait? Vous aviez des jobs à côté?
T.: On travaillait ou on terminait nos études.
D. : Je faisais des études de droit.
T. : J'étudiais pour devenir instituteur.
P.: J'ai eu différents jobs, mais ça n'a pas vraiment marché.
To.: J'ai fait des études d'ingénierie mécanique.
JtR.: Et vous avez décidé que tout ça n'était pas pour vous? To.: On a décidé de faire de la musique, au moins pendant 1 an. D.: En 2010, on a tous quitté nos jobs ou fini nos études. On a choisi cette opportunité, en se disant qu'on ferait le point [au bout d'un an].
Pour sa troisième sortie, Mauvaise Foi Records s'est associé à Casbah Records pour offrir le tout premier album des Rivals !
C'est qu'il se sera fait attendre ce premier album, les Rivals ayant sorti leurs premiers titres en 2009 ! Et l'on vous demande de nous croire sur parole, le résultat dépasse nos attentes.
On a tenu promesse : Rawpowermag’ était présent au Binic FolksBlues Festival du 2 au 4 août 2013, et ce, pour la 3ème fois consécutive. Comme d’accoutumée, Binic a permis à de nombreux festivaliers de découvrir et d’arpenter les chemins peu fréquentés du territoire du blues, très loin de ceux menant à des personnages médiatiques comme BB King (avec tout le respect qu’on lui doit pour ses 1ers enregistrements).
Comme lors de son dernier passage en 2012 sur Paris, David Evans était accompagné de Mississippi Gabe Carter. Si le 1er est une référence reconnue du monde de l’ethnomusicologie, professeur à l’Université d’Oxford (Mississippi) et de Memphis (Tennessee) et joue en public depuis 1962 ; le 2nd est nettement moins connu (voir Sources).
L’idée de faire découvrir ce blues man blanc résidant à Chicago, dont le chant peut rappeler Junior Kimbrough et son jeu celui de blues men de « l’école » de Bentonia (Jack Owens, Skip James…), nous a convaincu de nous jeter à l’eau en contactant l’association organisatrice du Binic Folks Blues Festival : la Nef-D-Fous... Moins de 15 minutes après un 1er email, la sentence tombait : c’était OK !
Habité d'une conscience « professionnelle » inébranlable, slalomant entre touristes en goguette et festivaliers souriants, remontant la foule à contre-sens (nos voisins belges appellent ça un « conducteur fantôme »),on peut se targuer de s'être placé régulièrement au 1er rang et d'avoir assisté à la quasi-totalité (5) des sets de Mississippi Gabe Carter.
Et s'il en est un à retenir, c'est bien celui du samedi soir.
La place de la Cloche, baignée d'une lumière bleutée, voyait une foule d'amateurs de blues dodeliner de la tête, se serrer les uns aux autres autour d'un Gabe Carter en grande forme, ravi d'être là, gérant les variations de rythme de chacune de ses chansons pour finir d'emporter son public dans un mélange de blues et de boogie sur son dernier titre... Une véritable salve d'applaudissements s'est ensuite faite entendre, répercutée par les façades des maisons donnant sur le port : un grand moment.
(photographie avec l'aimable autorisation de P. Erard)
Le lendemain après-midi, Mississippi Gabe Carter était disponible pour répondre à quelques questions. A la demande du blues man, la terrasse d'un fast-food local fera l'affaire...
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John the Revelator:Vous avez dit par le passé que vous avez commencé à jouer vers l'âge de 5 ans. Vous souvenez-vous des 1ères chansons que vous avez apprises ou jouées ?
Mississippi Gabe Carter: La 1ère chanson que j'ai apprise ? Je n'arrive pas à m'en souvenir... Ca devait être un truc que j'ai entendu quelque part et que j'ai essayé de reproduire en jouant sur une seule corde.
JtR: Sur un diddley bow?
MGC : Non. J'avais une guitare mais je ne savais pas vraiment en jouer. J'ai finalement réussi à reproduire les sons [de la mélodie] en jouant les notes sur une seule corde. C'est comme ça que j'ai commencé.
JtR: Avez-vous pris des leçons ou vos parents vous-ont il appris la musique?
MGC: Mon papa était pianiste. Il apprenait le classique et m'a toujours encouragé à être un musicien classique, que ce soit au piano ou à la guitare...
JtR: Donc, il vous a enseigné la musique, ou êtes-vous allé à des cours (ou autre) ?
MGC: Non parce que je refusais! (rigolant)
JtR: Vous vouliez embêter votre père en disant que vous refusiez de jouer du piano comme lui ?
MGC: Il voulait que je joue du piano car, pour lui, c'était l'instrument le plus important. De mon côté, il [le piano] ne m'intéressait guère... Je veux dire : je pouvais jouer du piano et me faire plaisir en jouant par et pour moi-même, mais il voulait que je prenne des leçons. Pour moi, avoir des cours rendait ça très ennuyeux. Ça n'était pas marrant du tout ! Le truc le plus sympa était de jouer, d'utiliser mes oreilles, de venir avec un son que j'aimais. Ce n'était pas cool d'étudier. Je n'aimais pas l'école d'ailleurs.
JtR: Vous n'aimiez pas être dans une classe.. ?
MGC: J'étais OK à l'école, j'avais de bonnes notes, etc. Mais je faisais le moins possible. J'ai eu queqlues soucis aussi.
(on récupère notre commande au fast-food, des gens passent à notre table pour saluer Gabe et se moquer gentiment de mon « interview »)
MGC: J'avais l'habitude d'écouter mon père lorsqu'il jouait du blues au piano. Il était capable de siffler du blues, de créer un blues... Je me souviens que ça m'intriguait. J'essayais de comprendre comment il y arrivait, comment il créait une chanson. Donc j'ai essayé de faire la même chose en « traduisant » de ma bouche à ma guitare.
JtR: Donc vous n'avez jamais vraiment appris les notes/accords ou des chansons spécifiques [au blues] ?
MGC: Non.
JtR: Vous jouiez en « accords ouverts » (open chords) quand vous étiez plus jeune, disons « depuis le début » ou est-ce que c'est venu bien plus tard ?
MGC: Quelqu'un m'a montré au début comment s'accorder en accord standard, donc j'ai commencé à jouer comme ça en premier. Puis, je me souviens que, alors que des personnes jouaient du blues [à côté de moi], je pouvais dire que ce n'était pas un accordage standard. Rien qu'à l'oreille je le percevais. J'étais un enfant et ça a été une vraie révélation pour moi. Je me suis dit « attends une minute, je peux entendre la ligne de basse... », alors j'ai détendu quelques cordes afin de l'ajuster [à ce que j'entendais].
Ça m'ait venu comme ça, en un instant.
Personne ne m'a jamais dit, ou montré, comment m'accorder de cette façon. Et je n'avais jamais entendu parler d'accords ouverts.
JtR: Quel âge aviez-vous à cette époque?
MGC: A peu près 15 ans.
JtR: Vous avez déjà fait, entre-guillemets, une « tournée » avec plusieurs artistes : David Evans, les 10 Foot Polecats...
MGC: Oui j'ai joué et joue encore avec différents musiciens.
JtR: Et, est-ce que vous avez déjà joué dans un groupe ?
MGC: Lorsque j'étais adolescent, j'avais un groupe.
Pour la 1ère fois, Rawpowermag' a l'occasion d'interviewer en direct un groupe auquel toute l'équipe est attaché depuis plusieurs années: Left Lane Cruiser. Sans verser dans le mélo', je suis très reconnaissant envers Nicolas (Nayati Dreams) sans qui cette interview n'aurait jamais existé, ainsi que Vincent et Lucie (Blues Rules) pour avoir accepté de m'offrir cette possibilité incroyable. Leur accueil a été à la hauteur de l'énergie qu'ils mettent à faire connaître le blues, sous toutes ses formes, en France, en Suisse, et bien au-delà... Quant à Brenn et Joe de Left Lane Cruiser, leur spontanéité et leur gentillesse ont permis de faire de cette interview de 30 minutes: une super "première expérience". Un grand merci.
Spoiler:
(Une pensée également à celles/ceux qui ont rendu tout ça possible en prêtant un enregistreur, me laissant squatter leur appart, etc.)
L'interview ayant duré trente minutes RawPowerMag' et Planetgong se partageront son contenu, permettant ainsi à une partie de leurs lecteurs respectifs de découvrir un autre blog et des rédacteurs de haut-vol !
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(Robert Belfour assurant son sound check en fond sonore)
John the Revelator : Commençons par les origines du groupe. On sait que tu (Joe) as rencontré ta femme au lycée de Brenn. Elle t'a dit de faire un essai avec Brenn, qui était à l'époque un batteur de blues de renommée locale. Le groupe s'est alors formé... Néanmoins, nous aimerions savoir si vous avez joué tous deux dans des groupes avant votre rencontre, et si oui, lesquels ?
Brenn (Left Lane Cruiser) : Nous avons joué tous les deux dans des groupes séparés, et n'avions jamais joué ensemble auparavant. J'ai joué dans un groupe nommé Black Cat Bone, un groupe de blues.
JtR : As-tu sorti un CD ou un LP avec ce groupe ?
Brenn : Nous avons fait un CD, mais juste dans notre coin. Il n'y avait pas de label ou autre. C'était un groupe monté “juste pour le plaisir”. En fait, il y a eu 2 CDs.
JtR : Ton père était batteur aussi, il a joué dans des groupes publiés chez Arista Records si je me souviens bien.
Brenn : Oui, le nom de groupe est Happy The Man, plutôt dans le style prog-rock des années 70's - début 80's, un peu à la Peter Gabriel...
JtR : Un style très différent donc.
Brenn: Ouais, ouais vraiment différent. Il joue beaucoup de reggae maintenant. Un truc complètement différent [rires]
JtR [plaisantant] : Espérez-vous jouer aussi du reggae dans le futur ?
Joe [riant] : Lorsqu'on sera vieux...
JtR: A propos de toi (Joe), as-tu joué dans un groupe avant Left Lane Cruiser ?
Joe: Juste un groupe au lycée, avec quelques potes. On n'a rien enregistré.
JtR: C'était un genre de groupe de garage ?
Joe: Ouais, il y a un petit peu de ça. Nous avons joué une fois à un festival local, c'est tout.
JtR [sentant un peu d'hésitation] : Jouer dans ce groupe a été une bonne période de ta vie ?
Joe: Ouais, ouais.
JtR: Je n'ai aucune idée de la façon dont vous avez choisi le nom du groupe ?
Brenn: Ca vient de ma mère. Lorsque j'étais au lycée, avant que je joue d'un quelconque instrument, elle a eu un rêve dans lequel j'étais devenu célèbre en jouant dans un groupe nommé Left Lane Cruiser. Et, lorsqu'on a commencé à réfléchir au nom du groupe, celui-là est apparu comme une bon choix.
JtR [plaisantant]: Ok, alors elle vous a obligé à choisir celui-là !
Brenn: Ouais, les mères savent ce qu'y a de mieux (pour nous).
JtR [riant]: Je comprends ce que tu veux dire. [Reprenant son sérieux] Bon, une autre queston:à quoi ressemble la scène musicale à Fort Wayne à l'époque ? Avez-vous galéré à trouver des endroits pour jouer ?
Si vous rencontrez un Américain capable de vous faire traverser le Grand Sud des Etats-Unis en moins d'un heure, alors il est probable que vous venez d'écouter le dernier album de Ray Cashman : Rough & Tumble South (enregistré au studio Bomb Shelter de Nashville, Tennessee).
Ce musicien d'origine texane, ancien militaire ayant par la suite exercé de multiples métiers, n'en est pas à son 1er coup : Rough & Tumble South est son 5ème album depuis 2001. En ancien chauffeur-routier, Ray Cashman nous prend en stop pour un périple de plus de 1000 km. Très vite, on se rend compte qu'il y a du monde avec nous dans le camion... et plein d'instruments à l'arrière.
Les paysages musicaux défilent derrière le pare-brise : le Texas avec la country de « Mudbugs », la Nouvelle-Orléans avec l'influence dixie sur « Feeling No Pain » (avec le trombone de Diego Vasquez, jouant le thème principal)... On fera plusieurs détours par le Mississippi : « Moving Fast » enrichi par un orgue, puis « Skin » où la guitare et la basse sont un peu plus heavy... On change d'Etat et on leur préfère « Holcomb Roll » où Ray Cashman nous démontre sa maîtrise du slide. On aperçoit déjà au loin les Appalaches, la faute au jeu du banjo sur « Evangeline », accompagné partiellement en finger-picking à la guitare, qui lui donne une rythmique bondissante ? Quant à « Devil & I », ce titre fait la part belle au violon d'Ollie Oshea, une des nombreuses passagères de notre expédition sur l'asphalte américain. L'album se termine superbement sur l'entraînant et country « Turn the Key » où chaque instrument trouve sa place sur une rythmique simple et accrocheuse, qui doit sûrement déclencher danses et tapes du pied en live.
Même s'il est déconseillé de parler au chauffeur, la meilleure façon de mieux connaître Ray Cashman a été de réaliser une interview en imaginant voir le paysage défiler.
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John the Revelator: Comment avez-vous commencé en tant que musicien? Comment êtes-vous entré dans la musique country et le blues? Cela remonte-t-il à votre enfance du côté de Conroe (Texas), où vous écoutiez jouer de vieux bluesmen noirs ?
Ray Cashman: J'ai toujours aimé la musique et j'ai fini par avoir une guitare quand j'ai eu 14 ans. Ma mère m'a raconté qu'étant enfant, j'avais l'habitude de chanter avec une cuillère lorsque passait un morceau de Johnny Cash. J'aimais aussi vraiment Lightning Hopkins, et de là j'ai pu découvrir tous les bluesmen texans, comme Mance Libscomb et Gatemouth Brown. Je ne me suis intéressé au blues rural que beaucoup plus tard.
JtR: En 2007, vous avez joué avec Grant “Gabby’ Brown (harmonica) and Jimbo Mathus. Sur Rough & Tumble South, Adam Verone est devenu votre batteur “attitré” mais vous jouez aussi avec beaucoup d'autres musiciens : Diego Vasquez (trombone) , Ollie Oshea (violon)... Comment les avez-vous tous rencontrés ?
RC: J'ai rencontré Gabby à Austin (Texas). On a fait une tournée ensemble et rencontré Jimbo Mathus à Memphis (Tennessee). Pour Rough & Tumble, tous les musiciens vivent à Nashville (Tennessee)et c'est une communauté solidaire voire familiale, où les liens sont très serrés. Olly (violon) vit de l'autre côté de la rue d'Adam (batterie).
JtR:Rough & Tumble South ne comprend aucune reprise. Est-ce voulu? Est-ce facile/difficile pour vous d'écrire des paroles ou de composer certains morceaux?
RC:J'ai sorti 6 CDs et écrit tous les titres sauf un. Je compose des chansons depuis que j'ai 16 ans. J'ai écrit plus de 100 chansons. Une de mes premières chansons fut écrite à 15 ans pour un show où chacun venait montrer ses talents. A l'époque nous n'étions pas assez doués avec nos instruments pour faire une reprise d'un titre existant, alors j'en ai écrit que nous pourrions apprendre.
JtR: Qu'est-ce qui vous a amené à l'écriture lorsque vous étiez jeune? Etait-ce une attirance pour la littérature gothique du Sud?
RC:Je voulais être écrivain, j'ai lu “Sur la route” de Jack Kerouac à l'âge de 13-14 ans et j'ai décidé que c'est le métier que je voulais faire. Bien plus tard, j'ai choisi d'essayer et d'écrire des chansons.
JtR: Comment compos(i)ez-vous vos morceaux?
RC:D'habitude, j'ai en tête une mélodie ou un riff que j'aime particulièrement, ce n'est qu'ensuite que je réfléchis à un sujet d'écriture.
JtR: Que pensez-vous de vos 5 albums précédents (Texassippi Stomp, Snake Feast...)? Et du fait d'avoir fait partie des sélectionnés lors des Grammy Awards en 2007?
RC:Faire partie des sélectionnés au Grammy était génial. J'aime tous mes albums mais je ne les écoute pas. Je pense qu'en tant qu'artiste tu préfèreras toujours ton dernier album, donc mon meilleur album est encore à venir.
JtR: En écoutant Rough & Tumble South , j'ai vraiment l'impression de conduire à travers le Grand Sud: « Feeling no Pain » et son trombone sonnent comme les premiers dixieland blues/jazz de la Nouvelle-Orléans, le banjo donne un style country-folk à « Evangeline» (1), alors « Holcomb Roll » est marqué par l'influence des blues interprétés au bottle-neck dans le Mississippi... Est-ce que vous espériez ce ressenti de la part de l'auditeur?
RC:Je ne réfléchis pas vraiment à l'auditeur lorsque je crée une chanson. Si elle sonne bien pour moi, alors je l'aime.
JtR: Quelles sont vos influences musicales?
RC:Mon influence est la bonne musique de nos racines. Quelques uns de mes artistes préférés sont Townes Van Zandt, Lightning Hopkins, Tony Joe White, JJ Cale, Muddy Waters, les Stones, Bob Dylan et beaucoup d'autres. En ce moment, je suis en train d'écouter Drive By truckers et Malcolm Holcomb.
JtR: Vous avez passé 3 ans dans l'armée américaine, puis exercé des métiers très différents (chauffeur routier, charpentier, vendeur automobile...). Si vous étiez dorénavant un guide touristique, quels endroits/bars nous feriez-nous visiter pour se donner une idée claire de la musique dans le Tennessee? Que pourrions-nous voir/écouter en dehors de Nashville?
RC:Aussi grand que soit le Tennessee, Nashville est LA ville de la musique. Il y a des groupes qui jouent dans les bars dès 10h du matin tous les jours. Il y a beaucoup plus à Nashville que cette pop country qui est si populaire. Il y a des tonnes de vrais bons groupes dans tous les genres. Memphis a aussi beaucoup de bons groupes et une bonne scène musicale. Johnson City, dans les Smokey Mountains (2)- partie orientale du Tennessee, est une petite ville remplie de très bonne musique. Et Asheville (Caroline du Nord) est pleine de bars et musiciens sympas, c'est aussi une de mes villes préférées.
JtR: Sur les Porch Swing Sessions (disponibles sur Youtube, utilisées pour promouvoir Rough & Tumble south avant sa sortie), "Feeling no pain" et "Mudbugs" sonnent superbement même si vous jouez seul... Aimez-vous jouer en one-man-band? Avez-vous joué seul par le passé?
RC:J'ai dû, et dois encore, régulièrement jouer en solo. J'apprécie l'âpreté/austérité de cette musique et le fait que l'artiste n'a nulle part où se cacher.
JtR: Vous avez tourné en Europe l'année dernière: plusieurs personnes vous ont d'ailleurs découvert lors du dernier Muddy Roots Festival (Belgique). Aurons-nous la chance de vous voir en France(3) bientôt?
RC:J'espère faire une tournée en France, aux Pays-Bas et en Belgique, plus tard dans l'année. J'apprécie vraiment l'Europe et je travaille actuellement à me construire une audience là-bas et à continuer d'y faire des tournées.
JtR: Pendant un festival musical, un groupe/artiste peut partager la scène avec d'autres groupes/musiciens. Sur notre blog, vous êtes libre de faire la même chose! Y aurait-il un(e) musicien(ne) – injustement méconnu(e) ou pas assez connue – dont vous aimeriez parler à nos lecteurs?
RC:Et bien, un de mes groupes préférés est les 10 Foot Polecats de Boston (Massachusetts). Ce sont des amis, des mecs géniaux, leur musique assure. J'ai aussi parlé de Malcom Holcomb, c'est vraiment un chanteur-compositeur exceptionnel.
JtR : Merci beaucoup Ray !(4)
(1) Evangéline renvoie au roman « Smonk » de Tom Franklin (écrivain né dans l'Alabama), dans lequel Evangéline - une jeune prostituée - croise un malfaisant notoire nommé Smonk. Votre piètre chroniqueur n'aurait jamais su telle chose, il le tient de Ray Cashman lui-même en réalité. Par contre, afin d'éduquer les masses, on vous rappellera qu' Evangéline est aussi le titre d'un poème de Henry Longfellow, abordant la déportation des Acadiens par les Britanniques au XVIIIème siècle à travers l'histoire de deux amants, Evangéline et Gabriel. Comme d'accoutumée, ne nous remerciez pas pour ces informations qui vous permettront de briller en société. (2) Smoky Mountains ne renvoient pas à l'image à des volcans fumants au sein de parc national (très belle image au demeurant), mais aux nappes de brume qui voilent régulièrement ces montagnes le matin ou après la pluie. (3) Les meilleurs d'entre nous l'auront aussi vu en concert le 12 juin dernier à La Féline (Paris). (4) Une fois de plus, on remercie Nicolas de Nayati Dreams (distributeur du dernier album de Ray) pour nous avoir mis en contact et transmis son dossier-presse.
John the Revelator
In English:
RAY CASHMAN
Interview of Ray CASHMAN by John the Revelator
1) How did you start as musician? How did you get into hill country/blues? Does it come from the time you listened old black bluesmen near Conroe TX?
I have always loved music and finally got a guitar when I was 14 years old. My mom told me I used to sing into a spoon while listening to Johnny Cash as a small child. I really liked Lightning Hopkins and from listening to him I discovered other TX bluesmen such as Mance Libscomb and Gatemouth Brown. I didn't even know about hill country blues till much later in life.
2) In 2007, you played with Grant “Gabby’ Brown (harmonica) and Jimbo Mathus. On Rough & Tumble South, Adam Verone is your « regular » drummer but you played with a lot of other musicians : Diego Vasquez (trombone) , Ollie Oshea (fiddle)... How did you meet all of them ?
I met gabby in Austin TX. We toured a lot and met Jimbo Mathus in Memphis TN. As far as Rough & Tumble all the musicians live in Nashville and it is a tight nit musical community. Ollie (fiddle) lives across the street from Adam (drums)
3) Rough & Tumble South does not contain any covers. Is it on purpose? Is it easy/hard for you to write lyrics or play songs?
I have released 6 cd and have written all but 1 song. I have been writing songs since I was 16 years old. I have over 100 songs written. One of the 1st songs I wrote was for a talent show when I was around 15 yrs old. We were not proficient enough with our instruments to learn any cover songs so I wrote one we could learn.
4) What made you start writing as you were younger? Was it your preference for southern gothic literature?
I wanted to be a writer, I read Jack Kerouac On The Road when I was 13 or 14 and decided that is what I want to do. Later in life I decided to try and be a songwriter.
5) How do/did you write your songs?
I usually have a melody or a riff that I like and then think of a topic to write about.
6) What do you think about your five previous albums (Texassippi Stomp, Snake Feast...)? And about getting into the nominated ballot of 2007 Grammy Awards?
Getting placed on the nominating Grammy Ballot was great. I liked all of my albums but don't listen to them. I think as an artist you like your last output the most, so hopefully my best is still to come.
7) Listening to Rough & Tumble South makes me feeling like I'm driving through the Deep South : « Feeling no Pain » sounds like a early dixieland blues from New Orleans, playing banjo gives a clear folk-country style to « Evangeline », « Holcomb Roll » is influenced by old bottleneck-played blues... Did you expect the listener feeling that way?
I don't really think about the listener when creating the songs. If it sounds good to me, then I like it.
8) What are your musical influences?
My influences are good roots music. Some of my favorite artists are Townes Van Zandt, Lightning Hopkins, Tony Joe White, JJ Cale, Muddy Waters, Stones, Bob Dylan and many others. Right know I have been listening to Drive By truckers and Malcolm Holcomb.
9) You spent 3 years in the US army and got very different jobs (truck driver, carpenter, car salesman...). If you were now a tour guide, what places/pubs you wanted me to visit in order to get a clear view of music in Tennessee? What could I see/listen outside Nashville?
As far as TN goes, Nashville is Music City. There are bands playing in bars at 10 Am every day. There is so much more to Nashville than the pop country that is so popular. There are tons of real good bands in all genres. Memphis has a lot of good bands and a pretty good music scene. Johnson City in East Tn in the Smokey Mountains is a small town with a bunch of really good music. And Asheville NC is full of good venues and musicians, also one of my
favorite cities.
10)On the Porch Swing Sessions (available on Youtube, and used to introduce/promote Rough & Tumble south before release), "Feeling no pain" and "Mudbugs" sound great even you play it alone... Do you like playing as one-man-band? Have you played alone in the past?
I have and still do play solo. I enjoy the starkness of the music and there is no where for the performer to hide.
11) You toured in Europe last year: some people discovered you at the Muddy Roots Festival in Belgium. Would we have the chance to see you in France soon too?
I am hoping to tour France, the Netherlands and Belgium later this year. I really enjoy Europe and am working on building an audience and continuing touring there.
12)During a music festival, a band/artist can share a set on stage with other bands or musicians. On our website, feel free to do the same! Woud it be any musician – unfairly stayed unknown or not well known - you would like to introduce for our readers?
Well a personal favorite of mine are The 10 Foot Polecats from Boston MA. They are friends of mine and great guys and there music rocks. I have also been preaching about Malcolm Holcomb, he is truly a great singer/songwriter.
Thanks a lot Ray !
Tracklist : « Food Song » « Simple Life » « Nobody But You » « Feeling No Pain » « Mudbugs » « Moving Fast » « Evangeline » « Skin » « Holcomb Roll » « Devil & I » « Turn the Key »
A la lumière des ouvrages consacrés au blues, le lecteur se rend rapidement compte que l'histoire du blues n'a pu se raconter que par l'intermédiaire d'une rencontre, celle d'un artiste avec un autre, d'une légende oubliée avec un de ses « redécouvreurs »... Notre rencontre, celle du monde du blues (pour peu qu'on l'apprécie vraiment), est alors essentiellement intérieure. En écoutant les enregistrements, l'oreille efface le bruit de fonds feutré propre à chaque enregistrement sur acétate et le cœur se laisse toucher par la musicalité, parfois rustre, du blues. En relisant les interviews : le temps peut se sublimer, la lumière change et on respire une atmosphère digne d'un roman de Steinbeck.
Vient alors le jour forcément surréaliste, où la lumière est celle du jour moderne, et sous lequel Rawpowermag' se retrouve à interviewer un vrai bluesman. Non, pas de la génération de Junior Kimbrough / T-Model Ford / RL Burnside / Rudie Burnette, mais celle plus proche de nous : de Mississippi Gabe Carter / Mark Porkchop Holder... A la faveur d'un nouvel album distribué par Nayati Dreams (tenu par quelqu'un qui est bien plus qu'un disquaire, un vrai amateur de blues !), on a eu l'occasion d'écouter Like A Apple On A Tree et d'interviewer CR Humphrey, aka Old Gray Mule (lorsqu’il joue en groupe), par email.
Like A Apple On A Tree est donc le dernier album du guitariste-chanteur de Lockhart, non loin d'Austin (Texas). En continuant dans le sillon des œuvres précédentes (Debut Album, Forty Nickels For a Bag of Chips et A Day In MS, A Night in TX), ces dix titres nous replongent dans le hill country blues : un blues particulier où les répétitions mélodique et rythmique invitent progressivement l'auditeur(trice) à la danse. La guitare électrique de CR Humphrey donne une touche moderne qui n'altère pas pour autant la forme traditionnelle de ce blues, comme sur « Blue Front », et permet de revisiter deux titres de RL Burnside : « Come On In » et « Someday Baby ». Malgré quelques sonorités proches du style Bentonia, plusieurs riffs se rapprochent de morceaux stomp ou punk-blues dignes de Scott H Biram ou encore des Left Lane Cruiser. Bien que cet album ait été voulu comme un disque « à écouter en conduisant » (exemple supplémentaire de la modestie de CR Humphrey), on est impressionné de constater de la qualité des autres musiciens présents, autant à la batterie qu'à l'harmonica ou au chant : Snooks la Vie (ancien membre des Hiptones, chanteur et harmoniciste), CW Ayon (one-man band venu jouer de la batterie et chanter), Cedric Burnside (petit-fils de... et excellent batteur), Dave Sims Jr (batteur), Jason Wilburn (batteur) et Lightnin Malcolm (guitariste jouant souvent en duo avec Cedric Burnside, mais qui pour le coup vient tenir lui aussi les fûts et pousser la chansonnette). Bref, à chaque titre, un line-up changeant et des conditions d'enregistrement différente (4 studios utilisés pour 10 pistes!) avec comme dénominateur commun : CR Humphrey...
Pour mieux comprendre le phénomène, on lui a posé des questions, non sans quelques fautes d'anglais/américain et une pointe d'humour à 2 francs.
John the Revelator :D'où vient le nom du groupe, « Old Gray Mule » / « La Vieille Mule Grise », ? Y a-t-il un lien avec l'ancienne comptine populaire « Old Grey Mare » / « La Vieille Jument » ? [un jeu de mots en introduction, quel professionnalisme sur Rawpowermag']
Old Gray Mule :Haha ! Non, pas de relation avec cette chanson populaire... J'ai tiré le nom de deux sources. La première correspond à une chanson de Belton Sutherland, tirée du documentaire « Land Where Thes Blues Began » / « Le Pays où Naquit le Blues » d'Alan Lomax :
Mais également, lorsque ma femme était enceinte de notre premier enfant, elle avait l'habitude de dire que notre fille lui botterait un jour le cul comme une vieille mule grise... et j'ai commencé à écrire mes propres chansons peu après la naissance de ma fille.
JtR :Quels ont été tes débuts en tant que musicien ? Comment as-tu découvert le hill country blues ?
OGM :J'ai commencé à jouer de la guitare lorsque j'avais environ 12 ans, en jouant tout un tas de styles différents, mais le blues et la funk étaient toujours présents. J'ai toujours adoré le groove de John Lee Hooker et j'ai commencé à chercher n'importe quel blues rustique/brut et groovy, ce qui m'a naturellement conduit à la musique de RL Burnside, qui de fil en aiguille m'a fait découvrir tous ceux ayant enregistré du blues électrique rural. Je me suis acharné à jouer dans la style de RL Burnside mais je ne pouvais pas ralentir suffisamment le tempo, et, jusqu'à ce que j'entende Cedric et Malcom, je pensais que cette musique ne pouvait être jouée que par des vieux bluesmen du fin fond du Mississippi. Lorsque j'ai vu Ced' et Mal' jouer, ils appartenaient à la même génération que moi alors je me suis rendu compte que s'ils pouvaient le faire, alors moi aussi. J'ai commencé à ETUDIER le hill country blues et finalement à écrire des morceaux.
JtR :Par quel moyen as-tu étudié le blues ?
OGM :Par « étude », je veux dire que : j'ai acheté chaque album de hill country blues que j'ai pu trouver, regardé tous les documentaires parlant de ces musiciens-là, visionné chaque vidéo sur Youtube que j'ai pu trouver sur eux, allé à tous les concerts, joué par-dessus chaque album même s'il fallait s'accorder uniquement à l'aide de la chanson, rencontré chacun de ces gars tant qu'ils étaient encore vivants , joué ou enregistré avec leurs parents...
Ce que j'ai découvert, c'est que le hill country blues, ou le blues des juke joints, est une forme de musique : basée sur le RYTHME, basée sur les SENTIMENTS, basée sur le TIMING. C'est un moyen pour jouer de façon dynamique (en jouant - tout à la fois - fort, faiblement, doucement, rapidement dans le même morceau), mais ce n'est PAS un tremplin pour faire des solos (ce qui, d'après moi, est la raison de vivre de la moitié des joueurs de blues). Enfin, en citant Kinney Kimbrough (batteur et fils de Junior Kimbrough) "Tu peux jouer du blues, ou pas, suivant que tu le ressentes ou non."
Le blues rural est porté par son rythme et par conséquence, il n'est pas basé sur d'poustouflants solos de guitare ou un jeu de scène. Il n'y a rien de brillant, de flashy, tout est dans la chaleur. C'est la musique la plus honnête/modeste jouée par des hommes ne tentant pas d'être autre chose que ce qu'ils sont. L'UNIQUE but de tout ça est de permettre aux gens de passer un bon moment. Ce n'est pas une question de groupe, c'est une question de danser, transpirer, boire, s'amuser ou faire l'idiot. Il y a de la joie, du plaisir, dans cette musique.
JtR :Sur cet album, tu joues avec de nombreux musiciens Cedric Burnside, CW Ayon, Dave Sims Jr, Jason Wilburn, Lightnin Malcom and Snooks la Vie. Comment les as-tu rencontrés ?
OGM :J'ai rencontré Cedric et Lightnin à Austtin (Texas) lorsqu'ils sont venus jouer au Continental Club. Depuis, je suis allé à tous leurs concerts sauf un ! CW Ayon et moi nous sommes aussi rencontrés lorsqu'il est venu à Austin : il est resté dormir à la maison et je l'ai finalement invité à venir avec nous au Juke Joint Festival (Clarksdale, Mississippi).
Quant à Dave Sims Jr, il était le batteur dans un groupe qui jouait au Antone's à Austin alors que Lightnin Malcolm et moi jouions un soir en duo là-bas... Moi, à la guitare, Lightnin à la batterie.
Jason Wilburn, je l'ai vu tenir la batterie pour Robert Kimbrough Jr au Juke Joint Fest mais je ne l'avais pas réellement parlé jusqu'à ce qu'il vienne lui aussi jouer à Austin avec Lightnin Malcolm. Quant à Snooks La Vie, notre rencontre a eu lieu à Adélaïde (Australie) lorsqu'il a joué en 1ère partie à la soirée de lancement de mon album « A Day in MS... ». J'ai entendu sa façon de jouer de l'harmonica , je lui ai proposé de se joindre à nous sur scène et il a accepté. C'était un concert génial !
JtR :« Like a Apple On a Tree » renvoie à la réponse que vous a faite T-Model Ford lorsque vous lui avez demandé : « Comment ça va T ? ». Ton album lui est d'ailleurs dédié et l'album commence par une reprise de RL Burnside, avec Cedric Burnside (un de ses petit-fils). Est-ce un moyen de rendre hommage aux générations précédentes de bluesmen ?
OGM :Chaque album que j'enregistre est un hommage à ces anciens bluesmen. Je n'ai pas inventé un style, donc je me sentirais mal si je ne tirais pas mon chapeau à ceux qui m'ont précédé... J'ai une grande dette envers eux.
JtR :« Issaquena » a déjà été publiée sur un album précédent. Que pensez-vous de vos albums précédents (« A Day In MS, A Night in TX » , « Forty Nickels for a Bag of Chips »...) ?
OGM :J'ai déjà fait 4 albums et ils sont tous différents et similaires à la fois. Le premier, « Sound Like Somthin Fell Off The House », est sorti en 2010. Il a été enregistrée dans une vieille église d'origine lituanienne en plein centre du Texas, avec la collaboration de Mississippi Gabe Carter au chant pour un morceau. Le second, « 40 Nickels for A Bag of Chips » est sortir en 2011. Il a été enregistré en 2 heures du côté de Como (Mississippi), Kinney Kimbrough à la batterie. « A Day In MS, A Night In TX » est aussi sorti en 2011 avec la participation de Bill Abel et CW Ayon. C'est un album-hommage où toutes les chansons sont des reprises enregistrées au studio de Bill dansle Mississippi ou enregistrées live lors de la 2nde soirée soirée pour l'anniversaire de Junior Kimbrough au Texas.
JtR :La plupart (tous?) des titres de « Like a Apple On a Tree » ont été enregistrés ave la même guitare : une Telecaster. Certaines personnes prétendent que vous l'avez construite vous-même. Est-ce vrai ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
OGM : Tous les titres ont été enregistrés sur des Telecasters... Les titres en accords ouverts l'ont été avec une Telecaster Custom jaune et noir horriblement moche, qui correspond plus ou moins au modèle d'origine, excepté qu'elle ne possède que 5 cordes et reste accordée en accord ouvert de Fa. L'autre Squier Telecaster que j'utilise pour les morceaux à accordage standard a été fabriquée à partir de différentes pièces. A la base, j'aime beaucoup les manches de Squier Tele fabriqués en Indonésie, ils ont une finition très fine et douce... et j'aime aussi des micros P-90, donc j'ai fabriqué une guitare de façon à ce que j'en aime la forme et le son. De plus, lorsque les gens voient le logo Squier sur la tête de la guitare, ils supposent qu'elle ne vaut pas grand chose et ainsi n'essaieront pas de me la voler !
JtR :Tant qu'on y est à parler guitare et matos, il y a une petite question intéressante : peourrais-tu nous expliquer comment tu t'es retrouvé avec la guitare de RL Burnside entre les mains durant un petit essai courant 2011 ?
OGM : Keith Mallette, qui gère le label Hillgrass Bluebilly Records, l'a trouvée sur ebay et l'a achetée. Quelques jours plus tard, il m'a appelé et m'a demandé si j'étais intéressé de jouer avec. Je pense que j'ai déjà joué avec durant un concert au TC's si je me souviens bien. A l'époque, j'étais prêt à faire quelques enregistrements mais aucun batteur n'était disponible à ce moment-là. Keith l'a finalement offerte au Delta Blues Museum de Clarksdale, et je lui suis énormément reconnaissant de m'avoir laissé jouer un petit moment avec.
JtR :« Banda de Gypsies » est assez différent du reste de l'album : ses racines remontent à deux morceaux de Jimi Hendrix, « Machine Gun » et « Who kows », avant de terminer par une reprise de « Rock you Like a Hurricane » qui vous, toi et CW Ayon, a faite bien rire. [Je préfère ne pas savoir quelle sorte de pouvoir mystique, sombre et dérangé, vous a conduits à choisir cette chanson ! Argh ! ]. Excepté le blues,quelles sont vos influences musicales ?
OGM :La musique qui m'aide à donner forme à ce que je joue en tant que Old Gray Mule est le blues rural mélangé avec de vieux gospels et de vieux funks. En ce qui concerne la musique que j'écoute et que j'apprécie ? Dans ma voiture en ce moment, j'ai Clotaire K (du hip-hop libanais), Parliament Funkadelic, Cedric Burnside & Lightnin Malcolm, John Lee hokker, Bob Wills & the Texas Playboys, the Yearlings (Asutralie), et Electric Six.
JtR :Plusieurs documentaires (« We Juke up in Here », etc) décrivent l'environnement du blues : les juke joints, les rent/house parties, etc. Sur ton album, est-ce que « Blue front » fait référence au Blue Front Café appartenant à Jimmy « Duck » Holmes ? As-tu une attirance particulière pour ce genre d'endroits?
OGM : Oui, c'est bien à propos du Blue Front à Bentonia. On a formé une sorte de groupe autour de Duck pour un concert à Bentonia le vendredi précédant le Juke Joint Festival (qui a lieu à Clarksdale, MS). Duck a joué un lick pendant ce jam et il m'est resté en tête durant tout le week-end. J'ai écrit une chanson basée sur ce lick et ce que je ressentais grâce à lui.
Autrement, oui j'adore jouer dans de vieux jukes joints dès que je peux. En 2010, nous avions l'habitude de jouer chaque vendredi soir au TC's Lounge (le dernier jukejoint tenu par un noir à Austin, Texas), mais il y a vraiment TRES peu de vrais jukes joints où on joue ce blues brut que j'apprécie.
JtR :T-Model Ford, Mississippi John Gabe, David Evans...beaucoup de bluesmen ont traversé l'Atlantique pour faire une tournée en Europe. Aura-t-on la chance de vous voir bientôt en France ?
OGM : Mec, il n'y a rien que j'aimerais plus que de venir en Europe et vous jouer cette musique !
JtR :Lors d'un festival, un groupe peu partager la scène avec un autre, ou inviter un(e) musicen(ne). Sur notre blog, tu es libre de faire la même chose. Y a-t-il un ou des musicien(s) – injustement méconnus ou trop peu connus – que tu souhaiterais faire découvrir à nos lecteurs ?
OGM : Musiciens vivants : RL Boyce, Duck Holmes, Bill Abel, CW Ayon, Chris Russell (Australie), Hosea Hargrove, Orange Jefferson, Odell Harris, Robert Kimbrough, Johnny Hurricane Jones et un tas d'autres.
Musiciens disparus : Willie King, Belton Sutherland, Rainie Burnett, Jessie Mae Hemphill, Clifton Chenier et tout un tas d'autres.
Un immense merci à CR Humphrey / Old Gray Mule pour avoir pris le temps de discuter avec Rawpowermag' malgré le niveau d'anglais approximatif et nos tentatives d'humour (relativement nulles, on en convient). Grâce à sa disponibilité et sa bonne humeur, cette interview a été un vrai plaisir.
On remercie ici Nayati Dreams sans qui cette découverte musicale et cette interview n’auraient jamais pu être.
Pour ceux qui voudraient admirer le style (inimitable) de votre rédacteur en langue anglaise :
John the Revelator : Where does the name of your band, « Old Gray Mule », come from ? Is there
any relationship with the old folk song « Old Grey Mare » ?
Old Gray Mule: HA ! No relation to the folk song…I got it the name from a couple places. First of
which is a Belton Sutherland song from the Alan Lomax documentary « Land Where The Blues
Began » : http://www.youtube.com/embed/ccn6_60NhJI
Also when my wife was pregnant with our first child she used to say that our daughter would kick
her like an old gray mule...and I started writing my own songs soon after my little girl was born.
JtR : How did you start as musician ? How did you get into hill country blues ?
OGM : I started playing guitar when I was 12 or so, played a whole bunch of different types of
music but blues and funk were always in there. I always dug the groove in John lee Hooker’s music
and started trying to find any blues as raw and groovin as his which naturally led me to RL
Burnside who led me to everybody else that was recoding raw electric rural blues. I tried and tried
to play RL’s music but couldn’t get the timing down and until I heard Cedric and Malcolm I thought
it was music that only old men from one tiny place in MS could play. When I saw Ced and Mal
playing it, they were of my generation so I figured if they could I could and started to STUDY it and
eventually started writing it.
JtR :How do/did you study it ?By study I mean:
OGM : I bought every hill country album I could find.
Watched every documentary I could find that featured these guys.
Watched every youtube vid I could find of these folks.
Went to every show I could.
Played along with the albums even if it meant tuning to the SONG.
Met everyone of these guys who was still living, or played or recorded with their surviving
families...
What I figured out was that Hill Country/Raw Juke Blues is a form of music that is:
- RHYTHM based
- FEELING based
- TIMING based
- a vehicle for DYNAMIC playing (loud, quiet, fast, slow all in the same song)
- NOT a vehicle for soloing (which in my opinion is the average blues guitar player's reason for
being
- and lastly in the words of Kinney Kimbrough (Junior Kimbrough's son/drummer) "You can either
play it or you cain't, cuz you either feel it or you don't"
Hill Country Blues is based on timing and subtlety, it's not based on flashy guitar solos and
jumping around. It's not about the flash, it's about the heat. And it is honest music played by men
who aren't trying to be anything but what they are, and the ENTIRE goal of it is to help folks have a
good time. It's not about the band, it's about dancing, sweating, drinking, acting the fool and
working out all the bad shit that happened since the last time you played music, danced, or acted
the fool. There is joy in this music.
JtR : On this album, you played with a lot of other musicians : Cedric Burnside, CW Ayon, Dave
Sims Jr, Jason Wilburn, Lightnin Malcom and Snooks la Vie. How did you meet all of them ?
OGM : I met Cedric and Lightnin in Austin TX when they’d come through and play the Continental
Club. Went to every show they played but one ! CW Ayon I met when he came through Austin, he
stayed at my house, and I invited him to go along with us to the Juke Joint Festival in MS. Dave
Sims Jr was the drummer for a band at Antone’s in Austin when Lightnin Malcolm and I played
there as a duo one night…me on guitar, Lightnin on drums. Jason Wilburn I saw playing drums for
Robert Kimbrough Jr at the juke Joint Fest in Clarksdale but didn’t actually get to meet him until
he came through Austin playing drums for Lightnin Malcolm. Snooks La Vie I met in Adelaide,
Australia when he sat in with the opening band at our album launch party for « A Day in MS… ».
Heard his harp tone and asked if he’d sit in with us and he did. Was an awesome show !
JtR : « Like a Apple On a Tree » refers to T-Model Ford's answer as you asked him « How you
doin' T ? ». Your album is dedicated to him and you're starting your album with a cover of de RL
Burnside, with Cedric Burnside (one of his grandsons). Is it a way to pay tribute for the previous
generations of bluesmen ?
OGM : Every album I’ll ever record will be a tribute to those previous bluesmen. I didn’t invent
this style, so I’d feel wrong not to tip my hat to those men who came before me…I owe those folks a
debt.
JtR : « Issaquena » was published on a previous records. What do you think about your past albums
(« A Day In MS, A Night in TX » , « Forty Nickels for a Bag of Chips »...) ?
OGM : I’ve got 4 albums and they’re all different yet similar. The first one « Sound Like Somthin
Fell Off The House » came out in 2010. It was recorded at an old Lithuanian Church in central
Texas, and features Mississippi Gabe Carter on vocals on 1 track. The second one « 40 Nickels… »
came out in 2011. It was recorded in about 2 hours over in Como, Ms with Kinney Kimbrough on
drums. « A Day In MS, A Night In TX » also came out in 2011 with Bill Abel and CW Ayon
performing on it. It’s a tribute album where all the songs are covers and were either recorded with
Bill at his studio in MS or live at our 2nd Junior Kimbrough Birthday Party in TX.
JtR : Most (all?) of the tracks of « Like a Apple On a Tree » have been recorded playing with the
same guitar : a Telecaster. Some people say that you built it yourself. Is it true ? Could you tell more
about it ?
OGM : All the tracks on that album were recorded on Telecasters…the open tuned songs were
played on an ugly as hell yellow and black Squier Telecaster Custom which is more or less stock
except I’ve got it strung with 5 strings and tuned to Open F. The other Squier Telecaster I used for
the standard tuned songs is one I put together from parts. Basically I like Indonesian Squier Tele
necks…they have a very thin smooth finish…and I like the sound of P-90 style pickups so I make
these guitars a certain way that I like the feel and sound of, plus when folks see the Squier logo on
the headstock they assume it’s cheap and won’t try and steal it !
JtR : As we're talking about guitar stuff, there is another interesting question : could you explain us
how you managed to have in your hands RL Burnside's guitar for a short try in 2011 ?
OGM : Keith Mallette who runs Hillgrass Bluebilly Records found it on ebay and bought it. A few
days later he called me and asked if I’d like to play it. So we met up and he handed it to me and
said I could keep it at my house for a while and play it. I think I even played a gig on it at TC’s if I
remember right. Was going to do some recording on it but didn’t have a drummer available at the
time. Keith ultimately donated it to the Delta Blues Museum in Clarksdale and I’m grateful as hell
he let me borrow it for a little bit.
JtR : « Banda de Gypsies » is quite different from the rest of your record : her roots get into two
Jimi Hendrix's songs, « Machine Gun » and « Who kows », before ending with a cover of « Rock
you Like a Hurricane » which make you and CW Ayon laugh. [I don't wanna know what kind of
dark and sick mystical power leaded you to choose this song ! Argh !]. Except blues, what are your
musical influences ?
OGM : The music that helps shape what I play as Old Gray Mule is Hill Country blues mixed with
old style Funk and old style Gospel. As for what kind of music I listen to and enjoy ? In my car right
now I have Clotaire K (Lebanese hip hop), Parliament Funkadelic, Cedric Burnside and Lightnin
Malcolm, John Lee Hooker, Bob Wills and the Texas Playboys, The Yearlings (Australia), and
Electric Six.
JtR : Some documentaries (We Juke up in Here, etc) describe the environment of blues : juke
joints, rent/house parties, etc. On your record, does « Blue front » refer to Blue Front Café , owned
by Jimmy « Duck » Holmes ? Do you feel any attraction for this kind of place?
OGM : Yes it is about the Blue Front in Bentonia. We were sort of Duck’s band for a night down in
Bentonia on the Friday before the Juke Joint Festival (which is up in Clarksdale, MS) and he
played a lick during that jam that stuck with me all weekend long and I wrote the song based on
that lick and the feeling I got from it. And yes, I love playing old jukes whenever I can, we used to
play TC’s Lounge (last black owned juke in Austin TX) every Friday night back in 2010, but there
are VERY few real jukes left that feature that raw blues I like.
JtR : T-Model Ford, Mississippi John Gabe, David Evans... a lot of bluesmen crossed the Atlantic
ocean in order to tour in Europe. Would we have the chance to see you in France soon too ?
OGM :Man, there is nothing I’d like more than to come to Europe and play this music for yall !
JtR : During a music festival, a band can share a set on stage with other bands or musicians. On our
website, feel free to do the same. Woud it be any muscian – unfairly stayed unknow or not well
known - you would like to introduce for our readers ?
OGM : Living musicians : RL Boyce, Duck Holmes, Bill Abel, CW Ayon, Chris Russell (Australia),
Hosea Hargrove, Orange Jefferson, Odell Harris, Robert Kimbrough, Johnny Hurricane Jones, and
a whole bunch more.
Musicians that have passed on : Willie King, Belton Sutherland, Rainie Burnett, Jessie Mae
Hemphill, Clifton Chenier, and a whole bunch more