18 décembre 2012

A la croisée des chemins – Emergence d'une scène « alternative » californienne 80's (3/3)

(retour à la première partie)

(retour à la deuxième partie)

3- Réminiscences post-punk, rimmel et indie wave

Mélangeant post-punk, indus et rythmes tribaux, Savage Republic est un des secrets les mieux gardés de Californie tant le groupe semble tombé dans l'oubli. C'est sous le nom d'Africa Corps que le groupe, fondé par Mark Erskine et Bruce Licher, sort son premier album, Tragic Figures (1982). Le line-up se complète de Jeff Long et Jackson Del Ray. C'est un peu la rencontre improbable de Joy Division et Black Flag ! Mêlant plages instrumentales et pistes chantées proche de la cold wave, Tragic Figures est un disque d'ambiance. La violence héritée du hardcore se fait ici sourde, n'explosant jamais réellement, ce qui renforce le climat malsain de certaines pistes (« Flesh That Walks »). Un disque intrigant qui, s'il ne brille pas forcément de mille feux, présente suffisamment d'attraits pour que l'on y jette une oreille attentive.
Pour éviter tout malentendu sur son nom, le groupe se renomme dans la foulée Savage Republic.
Jeff Long (le bassiste) quitte alors le groupe pour fonder Wasted Youth, remplacé par Robert Loveless. Le line-up du groupe évoluera ensuite sans cesse.
(http://grooveshark.com/#!/album/Tragic+Figures/5114224)



Très vite, le groupe en profite pour sortir sur un label belge l'EP Trudge en 1985, l'album Ceremonial et enfin un live intitulé Live Trek. Ces enregistrements permettent de voir poindre un premier changement dans le son du groupe : la violence héritée du passé hardcore de ses membres laisse la place à des compositions plus maîtrisées, développant des sonorités orientales bienvenues. Signe d'un apaisement certain, le chant est ici quasi-absent (à l'exception du morceau-titre chanté par Louise Bialik des 17 Pygmies), remplacé par des parties de claviers contemplatives. Ce disque est souvent considéré comme leur point d'orgue artistique tout comme leur disque le plus abordable.
(http://grooveshark.com/#!/album/Ceremonial+Trudge/636819)



Jamahiriya, sorti en 1988, marque une rupture assumant des influences plus proche du krautrock (Can) avec des pistes axées sur la répétition dans la grande tradition du genre, les guitares orientales étant ici omniprésentes. Le mélange des styles ne nous a pourtant guère convaincu.
Le groupe tournera ensuite en Europe (sortant un album live et un autre en studio en Grèce!) avant de splitter. En 2002, Mobilization Recordings rééditera tous leurs albums et le groupe sortira même un nouvel album en 2007.


Conçu à la base comme le side-project des Savage Republic, les 17 Pygmies sont un groupe curieux. Loin du son « industriel » de leur groupe précédent, ils donnent dans un style étonnant que l'on qualifiera, même si c'est réducteur, de « pop éthérée ». Jedda By The Sea (1984), leur premier album, est ainsi marqué par de longues plages instrumentales quasi contemplatives, parfois marqués par des sonorités moyen-orientales. Pourtant, ce sont bien les pistes chantées, avec cette voix haut perchée et lancinante qui retiennent particulièrement l'attention et non dénuées de charme (« Words Never Said » ; « Waiting To Arrive » ; « Lazarus »). Malgré tout, l'album est quelque peu plombé par l'abus de violons, surtout quand ils prennent une coloration assez folklorique (« Still Waters »). Ces titres ne sont pas sans évoquer le Penguin Café Orchestra pour ceux qui connaissent.
(http://grooveshark.com/#!/album/Jedda+By+The+Sea+LP/4349490)

Reste un album mélodieux, très sympathique, qui mérite l'écoute ne serait-ce qu'au vu du nombre de groupes des 90's ou des 00' qui ont proposé peu ou prou le même cocktail. Les 17 Pygmies avaient du potentiel. Ils ne l'ont malheureusement jamais pleinement exprimé. Le deuxième, Welcome (1986) est d'ailleurs assez inécoutable, les pistes étant entrecoupées de diarrhées verbales très déplaisantes...

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16 décembre 2012

A la croisée des chemins – Emergence d'un scène « alternative » californienne 80's (2/3)

2- Alternatif mon cher Watson

Bien avant que l'on se mette à parler de rock alternatif, émerge à Redlands en 1983, un groupe passionnant, les Camper Von Beethoven. Reprenant le DIY cher au hardcore dont ils étaient assez proches à leurs débuts, les Camper Von Beethoven vont proposer un cocktail improbable de punk, pop, country, ska, folk ou encore polka qui, encore aujourd'hui, étonne par sa fraîcheur et sa modernité.
Lorsque le groupe enregistre son premier album, Telephone Free Landslide Victory (1985), il se compose de David Lowery (chant/guitare), Jonathan Segel (violon - dont il ne savait pas jouer ! -, claviers), Chris Molla (guitare), Victor Krummenacher (basse) et Anthony Guess (batterie). Ce premier disque chez IRS Records, comprend 17 titres, dans des styles assez singuliers et révèle un excellent songwriter en la personne de David Lowery dont la plume bourrée d'humour illumine les compositions, renforçant le caractère déjanté du disque qui alterne morceaux chantés et instrumentaux !
De la pop enjouée de "Take the Skinheads Bowling" au délirant "The Day That Lassie Went to the Moon" en passant par la reprise déglinguée d'un titre de Black Flag ("Wasted"), ce Telephone Free Lanslide Victory est un chef d'œuvre aussi brillant qu'improbable (le groupe parle alors de "surrealist absurdist folk") qui eut de toute évidence une grande influence sur l'indie rock américain.
(http://grooveshark.com/#!/album/Telephone+Free+Landslide+Victory/200259



 

Enrichi de l'arrivée de Greg Lisher à la guitare, le groupe sort II&III, son deuxième album en 1986 qui pousse encore plus loin la formule, incorporant divers éléments issus du bluegrass ou du rock psychédélique (mandoline et sitar rejoignent le violon) même si, globalement, la folie du premier album s'est quelque peu dissipée au profit d'un style certes, toujours aussi débridé, mais bien moins cintré. Le disque contient entre autre "Sad Lover's Waltz", merveille de country pop et "I Love Her All the Time" de Sonic Youth à la sauce bluegrass.
Un poil plus lourd, Camper Von Beethoven (1987), leur troisième album, les voit expérimenter d'avantage, avec un humour toujours omniprésent (le titre « Stairway To Heavan ») et une belle version d' Interstellar Overdrive de Pink Floyd. Souvent oublié par les amateurs du groupe, ce disque mérite une réhabilitation en bonne et due forme.
(http://grooveshark.com/#!/album/II+and+amp+III/569056)




Malgré une signature chez Virgin, Chris Molla quitte le groupe. Camper Van Beethoven enregistre alors son premier album pour une major, Our Beloved Revolutionary Sweetheart (1988) qui, bien que reprenant les mêmes éléments qu'auparavant, sonne un peu plus mainstream, si tant est que cela ait un sens pour les Camper Van Beethoven. Souvent bien perçu par la critique, on peine à s'enthousiasmer pour ce disque qui ne retrouve pas la magie des précédents. Même constat sur Key Lime Pie (1989), dernier album du groupe avant un split inévitable, Segel ayant lâché le groupe juste avant son enregistrement suite à des dissensions...
(http://grooveshark.com/#!/album/Our+Beloved+Revolutionary+Sweetheart/328713)





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14 décembre 2012

A la croisée des chemins – Emergence d'une scène « alternative » californienne 80's (1/3)

Par sa place et son importance sur la scène californienne, le mouvement punk, puis hardcore, a eu un impact non négligeable sur bon nombre de courants, les imprégnant, posant les germes de différents styles musicaux à venir, participant également à l'émergence de groupes devenus mythiques, notamment par son côté Do It Yourself.
Par manque de vocabulaire, on a un peu tendance à classer ces groupes comme « alternatifs », terme un peu fourre-tout mais qui dénote à la fois l'originalité des groupes qui en ont émergé et le foisonnement musical californien de l'époque.
Un raccourci bien pratique qui va surtout nous permettre d'évoquer différents groupes à la marge et qui n'auraient pu trouver place dans l'un ou l'autre des papiers, sortis ou à sortir.
(retour au plan du dossier)


1- GUN CLUB, FLESH EATERS, CRAMPS - LA SAINTE TRINITE.

C'est dans un contexte de bouillonnement de la scène punk, qu'émerge au début des années 80 un petit groupe de rockabilly, The Cyclones, et qui très vite prend le nom de Creeping Ritual.
Si la musique du groupe n'a alors que peu retenu l'attention, son line-up, lui, est entré dans l'histoire. En effet, le groupe est monté par Brian Tristan (pas encore appelé Kid Congo Powers) et Jeffrey Lee Pierce. Le groupe, sur les conseils de Keith Morris (Circle Jerks), changent le nom de Creeping Ritual en Gun Club.
Le groupe ouvre très vite et à de nombreuses reprises pour X ou les Blasters en même qu'il affine son style musical.
Néanmoins, le début de carrière est quelque peu chaotique puisque Don Snowden et Brad Dunning, autres membres originels, quittent le groupe, remplacés par Rob Ritter et Terry Graham du groupe The Bags. Dans la foulée, c'est Kid Congo qui quitte le groupe, remplacé par Ward Dotson. Heureusement, cela ne les empêchera pas de mettre en boîte Fire Of Love (1981).
Produit par Tito Larriva (The Plugz puis Tito & The Tarentulas, groupe fétiche du réalisateur Robert Rodriguez) et Chris D (The Flesh Eaters), ce premier album est un concentré de punk and roll bluesy, habité, qui doit autant au punk qu'à Screamin' Jay Hawkins !
John Doe de X clamait à l'envie que Jeffrey Lee Pierce avec le Gun Club avait inventé un nouveau style musical en mélangeant punk et blues. Le moins que l'on puise dire, c'est que ce Fire Of Love répond parfaitement à cette assertion. D'une authenticité rare, mené par un Lee Pierce en mode sorcier voodoo, le Gun Club envoie professions de foi (« Preaching The Blues »), tranches de vie (« She's Like Heroïn To Me ») et hymnes à la pelle (« Sex Beat »), sur un album qui encore aujourd'hui conserve ce charme vénéneux, qui fait du Gun Club l'un des plus grands groupes de l'histoire du rock.
(http://grooveshark.com/#!/album/Fire+Of+Love/275161)




Le disque sera bien reçu par la presse et se vendra d'ailleurs plutôt bien ce qui leur permet de signer dans la foulée chez Animal records, le label de Chris Stein, guitariste de Blondie (et qui remettra le pied à l'étrier à un Iggy Pop en perdition avec Zombie Birdhouse). A noter que Pearce, avant de fonder le Gun Club, était président du fan club local du groupe de Debbie Harry.
Avec Stein comme producteur, le groupe enregistre à New York Miami (1982), disque d'une plus grande densité, massif et sec à la fois. La voix de Pearce est particulièrement mise en avant, boostant de ce timbre inimitable, des compositions déjà flamboyantes.
« Carry Home » « Like Calling Up Thunder », « Watermelon Man », « Bad Indian » ou « Texas Serenade » sont autant de joyaux, de titres exécutés, et surtout interprétés sur le fil du rasoir, qui auront une influence certaine sur énormément d'artistes (Mark Lanegan par exemple...). Ajoutez à cela une reprise magnifique de « Run Through The Jungle » et un « Mother Earth » qui réveille le spectre de Jim Morrison et vous obtenez un nouveau chef d'œuvre.
(http://grooveshark.com/#!/album/Miami/221709)



Le groupe change alors de line-up suite au départ de Rob Litter (qui part pour 45Graves) et Terry Graham, et enregistre un troisième album, The Las Vegas Story (1984) sur lequel jouent entre autres Dave Alvin (The Blasters) et Patricia Morrison (The Bags et futur Sisters Of Mercy). L'album constitue un tournant dans le son du groupe, moins punk et plus proche de ce que les américains appelleront alternative country. Il marque surtout le retour au sein du groupe de Kid Congo. Moins essentiel que les précédents, il n'en demeure pas moins un très bon disque, sans doute moins abordable mais qui contient quelques morceaux bouleversants (« The Master Plan » reprise de Pharaon Sanders ; « Moonlight Motel » ou « Walking The Beast ») et fait surtout la démonstration que le Gun Club était un groupe à part et d'une qualité bien supérieure à bon nombre de ses contemporains.
(http://grooveshark.com/#!/album/The+Las+Vegas+Story/840328)


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30 septembre 2012

INTRODUCTION : CALIFORNIA MY LOVE

Mon intention profonde avec "Waiting for the Sun", c’est une étude de l’interaction typiquement californienne entre la lumière et l’obscurité, ou entre le bien et le mal.” Ainsi s'exprime Barney Hoskyns au sujet de son formidable ouvrage Waiting For The Sun. Sa démarche ? Évoquer non un groupe ou un style mais embrasser l'histoire musicale de Los Angeles tout en mettant en valeur ses paradoxes que l'on étendra volontiers à l'ensemble de la Californie.
La Californie, terre de contrastes où se télescopent Sea Sex & Fun et Zodiac, Flower Power et Hardcore, Russ Meyer et James Ellroy, hymnes pop et paranoïa. Ce que le même Hoskyns, pas avare de bons mots, appelle le "paradis perturbé". Le sous-titre de son ouvrage résume cet état de fait : Stange Days, weird scenes and The sound of Los Angeles.

Il faut bien dire qu'avec Brian Wilson, Roky Erickson, Phil Spector ou Arthur Lee, la Californie ne manque pas (et ne manquera jamais) de génies perturbés. Enfants de cette ambivalence, dans une contrée qui semble avoir développé un goût profond pour le clair/obscur (les amateurs de Tim Cohen ne me contrediront pas) et rassemblé en un seul lieu l'ensemble des facettes de l'âme humaine, les artistes californiens détonnent dans le paysage musical.

Nul par ailleurs on aura eu une telle continuité dans le temps, un tel foisonnement permanent qui se traduit encore aujourd'hui avec l'émergence d'artistes comme les Oh Sees, Ty Segall ou les Fresh & Onlys.

New York, Detroit, Texas, Londres, Australie, beaucoup de villes ou régions ont pu concurrencer et même surpasser à une époque Los Angeles et San Francisco. Aucunes d'entres elle ne les égalent sur la durée. Point de vue subjectif ? Oui, en partie.

Je ne saurais faire abstraction de l'attrait qu'exerce sur moi la musique californienne. J'ai beau de temps à autre m'écarter d'elle, il ne se passe pas une semaine sans qu'un disque californien trouve sa place sur la platine. Et pourtant, il m'a fallu de nombreuses années pour me rendre compte de son importance. Longtemps, j'ai adulé des artistes, des courants même, sans forcément faire le lien, la connexion.
Le choc fut la résultante de deux événements : la découverte du Paisley Underground et ces deux formidables compilations Rhino que sont Where The Action Is - Los Angeles Nuggets (1965-1968) et Love Is The Song We Sing - San Francisco Nuggets (1965-70). A partir de là j'ai commencé à mesurer la place des groupes californiens dans ma discothèque, décuplant mon intérêt pour les groupes West Coast, intérêt qui trouve une forme d'aboutissement aujourd'hui avec le renouveau actuel.

Non, la Californie n'a pas fini de me subjuguer.

Conçu au départ comme un projet minimaliste (le Paisley Underground), l'idée d'un dossier global consacré à la Californie s'est peu à peu insinué dans mon esprit. J'ignore si j'aurais le temps et l'énergie de le mener à bien mais je ferais en sorte de partager avec vous un peu de mon amour pour la musique californienne.

15 août 2012

Dossier Californie : le Plan

 








INTRODUCTION : California My Love.

I- Le Premier Age d'Or Californien (1960's)

II- Le Deuxième Age d'Or Californien (1978-1989)


    Chapitre 1 : Tell Me When It's Over, la scène Paisley Underground
    Chapitre 2 : Tales Of The New West, la Scène Cowpunk.
    Chapitre 3 : California Uber Alles, la scène Punk et Hardcore.
    Chapitre 4 : A La Croisée des Chemins, Emergence de la scène "alternative".

    Chapitre 5 : Un Oeil Dans Le Rétro, les scènes garage revival et power pop.

    Chapitre 6 : Hairspray, Métallos et Bermudas, les scènes hard, métal et fusion.

    Chapitre 7 : Entre barouds d'honneurs et gériatrie, les vieilles gloires.

CONCLUSION OU INTERMEDE ? : Vers Un Nouvel Age d'Or (2008-2012) ?

ANNEXES :

    Annexe 1 : Index des groupes cités
   
    (d'autres annexes verront certainement le jour afin d'illustrer le dossier, des focus sur d'autres courants "hors âge d'or" ou d'autres thématiques comme le cinéma ou la littérature)





























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