19 août 2013

Matching Mole, c'est le taupe (2/2)


Matching Mole : Let's go into the vif of the subject



Le premier MM, self titled, sort en avril 1972 chez CBS.
O Caroline est une délicieuse pop song dont la musique est de David Sinclair, du Canterbury pur jus nappé de mellotron fluté. Une chanson d'amour (I love you still Caroliiiiiiine) peut-être adressée à Caroline Coon, journaliste, artiste en tous genres et future égérie des Clash. On s'en fout un peu, mais ça fait une très jolie chanson.
Le second titre s'appelle Instant Pussy, c'est une reprise de To Carla, Marsha and Caroline (For Making Everything Beautifuller) déjà présent sur The End of an Ear. Le riff est joué par la basse délicate de McCormick et là dessus, Robert improvise ce qui est un sommet du babil wyattien dont nous causions ci-avant, tout en brodant de la dentelle avec ses fûts. Une merveille.
Sur une mélodie de piano toute simple, Wyatt chante « normalement » les paroles de Signed Curtain. En matière de simplicité, les paroles se posent là aussi, d'ailleurs :
« This is the first verse
(X4)
 / And this is the chorus
 / Or perhaps it's a bridge
 / Or just another part
of the song that I'm singing »

Ensuite, ça change de cuisine avec une compo de Phil Miller, Part of the dance. On entre dans une musique que l'on pourrait qualifier de … grrmmpphhh... free form jazz-rock. Il me semble que Robert veut réaliser en Angleterre, ce qu'a fait aux Etats-Unis le Tony Williams Lifetime avec l'album Turn it over.


Une musique très partiellement écrite qui laisse une grande place à l'impro collective (et pas à l'impro chacun son tour). Encore une fois, ça fonctionne, mais on peut concevoir que cela puisse rebuter des oreilles habituées à des structures plus géométriques. La seconde face est, grosso modo, de la même eau que ce Part of the Dance, même si toutes les compos sont signées Wyatt.
Ce premier Matching Mole n'a donc guère de cohérence (et alors?), mais avec ses trois premiers titres, on a onze minutes de grâce absolue qui suffisent à faire de cet album un grand disque.


Tracklisting : "O Caroline" (Sinclair/Wyatt) / "Instant Pussy" (Wyatt) / "Signed Curtain" (Wyatt) / "Part of the Dance" (Miller) / "Instant Kitten" (Wyatt) / "Dedicated to Hugh, But You Weren't Listening" (Wyatt) / "Beer as in Braindeer" (Wyatt) / "Immediate Curtain" (Wyatt)
 L'album en intégralité :


Le petit disque rouge (1972)
Détournement d'une affiche chinoise appelant les ouvriers, les paysans et les soldats de la vaillante armée populaire à reprendre l'île de Taïwan tombée aux mains de la vermine capitaliste, la pochette montre que Dave McRae a remplacé David Sinclair, rentré dans le giron d'un Caravan aux mains de Pye Hastings dans lequel il ne brillera plus guère. Au dos, la pochette présente les musiciens classés par ordre de longueur de barbe, elle indique que Robert Fripp est le producteur de l'album et que Eno est « this summer's guest star ». Ces deux messieurs collaborant par ailleurs à l'enregistrement de leur album No Pussyfooting. Wyatt ne signe aucune des compositions, à l'exception des lyrics. La plupart des titres relèvent d'une sorte de jazz rock, plus écrit que dans le premier album, mais sans rien de froid (on n'est pas chez le Mahavishnu Orchestra) ou de technicisant. On y retrouve à tout instant la légèreté, la finesse et la modestie caractéristiques du « Canterbury sound ». La spontanéité de l'ensemble est largement due au jeu de batterie foisonnant de Wyatt sur l'ensemble du disque. La voix est présente sur la majorité des titres, notamment le surprenant Starting in the middle of the day we can drink our politics away (c'est à la fois le titre et la totalité des lyrics) et le remarquable Nan True's Hole de Phil Miller.


Mais l'une des perles de cet album est une magnifique chanson du même Miller, God song, chantée par Robert sur un simple accompagnement de guitare acoustique et de basse. C'est un sommet du chant « classique » de Robert. Les ceusses qui affectionnent Rock Bottom ne peuvent pas ne pas adorer cette chanson.

Les compagnons de Robert sont, eux aussi, brillants sur tout le disque. Phil Miller est un guitariste inspiré et original. Bill McCormick, à qui le jeu de batterie très libre de Wyatt convient parfaitement, fait un solo de fuzz bass hopperien (c'est un grand compliment) dans Marchides et un autre, tout en finesse dans Brandy as in Benj. Dave McRae, beaucoup plus pianiste qu'organiste, est d'une subtilité souveraine.
En live, le groupe est beaucoup plus aventureux, comme en témoigne cet enregistrement réalisé pour l'émission de Pierre Lattes en 1972.

Ce petit disque rouge apparaît finalement plus homogène que son prédécesseur, on peut penser que Fripp a cherché à resserrer les boulons, à densifier le son du groupe et a freiner les dérives free de Robert...
Tracklisting : "Starting In The Middle Of The Day We Can Drink Our Politics Away" (MacRae/Wyatt) / "Marchides" (MacRae) / "Nan True's Hole" (Miller) / "Righteous Rhumba" (aka "Lything And Gracing") (Miller) / "Brandy As In Benji" (MacRae) / "Gloria Gloom" (MacCormick/Wyatt) / "God Song" (Miller/Wyatt) / "Flora Fidgit" (MacCormick) / "Smoke Signal" (MacRae)

Matching Mole se sépare à la fin de l'année 1972, peu après la sortie de cet opus. Wyatt a le projet de rebâtir le groupe avec MacCormick, le clavieriste Francis Monkman et le saxophoniste Gary Windo.
Mais, le 1er juin 1973, Robert Wyatt se rend à la fête donnée chez Lady June (je ne sais pas si on voyait bien la lune cette nuit-là) pour le quarantième anniversaire de Gilli Smyth.
Il choit.

Peter Mermoz Steinhauser

 L'affiche qui fut détournée

3 commentaires:

  1. Le parallèle avec Tony Williams Lifetime est osé. Mais quel plaisir de réentendre ce disque magnifique.

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  2. Sounds good, but i cant read French :(. Anyway have you setup twitter card ?

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  3. Tony Williams profile will be added to our website soon.

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