6 juillet 2013

Saga Caravan - If I Could Do It ... (1968-72) - (2/2)



1971 – In the land of grey and pink
« Pick our fill of punk weed and smoke it till we bleed, that's all we'll need » (Richard Sinclair, In the land of grey and pink)
La pochette rose montre un paysage de village hobbit. C'est donc un chef-d’œuvre.
Pye Hastings, en retrait, ne signe qu'un titre court et dispensable sur la première face. C'est Richard Sinclair qui prend la main en signant trois titres de toute beauté. Il y est question de pluie de balles de golf ("Golf girl"), de ménestrels, de dragons et de chevaliers ("Winter wine"), et de petites créatures facétieuses – nasty grumbly grimblies ("In the land of grey and pink"). Trois classiques de Caravan. S'y ajoute sur la face deux un enchaînement de huit titres signés du cousin David sous le nom de "Nine feet underground". Le son bien particulier qu'il produit, marque de fabrique de Caravan, est obtenu en ajoutant un soupçon de fuzz à son orgue. La sonorité reste onctueuse, beaucoup moins sifflante que celle de Mike Ratledge, d'autant que le phrasé de David Sinclair, qui ne crache pas sur la wah-wah, tend à se couler de plus en plus dans celui du saxophone de Jimmy Hastings, très présent sur cette face. Il y enchaîne les solos de flute et de sax avec une coolitude supérieure.
Si In the land of grey and pink est l'album du groupe qui s'est le mieux vendu et qui est généralement présenté comme son classique, on serait fondé à reprocher au groupe d'avoir émoussé le tranchant de sa lame depuis l'album précédent, d'avoir privilégié le versant prog-jazzy aux dépens du versant pop-psyche. L'argument est admissible, mais il l'est surtout pour ce "Nine feet underground", les merveilles de Richard Sinclair sur la première face emportant définitivement l'adhésion.

Face A : Golf Girl / Winter Wine / Love to Love You (And Tonight Pigs Will Fly) / In the Land of Grey and Pink
Face B : Nine Feet Underground (Nigel Blows a Tune - Love's a Friend - Make It 76 - Dance of the Seven Paper Hankies - Hold Grandad by the Nose - Honest I Did! - Disassociation - 100% Proof)

En écoute ici :
http://grooveshark.com/#!/album/In+The+Land+Of+Grey+And+Pink/164443

Vidéos :


1972 – Waterloo Lily
« Ain't life a disaster? » (Steve Miller, Songs and signs)
Le désastre, cela aurait pu être le départ de David Sinclair qui rejoint Robert Wyatt pour fonder Matching Mole. A la demande de Richard Sinclair, c'est Steve Miller qui remplace le cousin lâcheur. Seulement Steve Miller goûte peu l'orgue, il joue essentiellement du piano (un électrique Wurlitzer, moins couteux que le Fender Rhodes) dans un style jazz-rythm'n blues et renâcle à faire du Sinclair. Le son et le style de Caravan changent de façon significative. Une fissure se dessine entre un axe Pye/Coughlan qui craignent que Caravan ne perde son public pop et l'axe Sinclair/Miller prêt à chasser sur des terres plus aventureuses. L'instrumental "Nothing at all" s'appuie sur une redoutable ligne de basse simplissime et ultra groovy sur laquelle viennent improviser des invités comme l'inénarrable Lol Coxhill au soprano et le guitariste Phil Miller, frère de Steve, et guitariste de Matching Mole (le monde de Canterbury est petit). "Waterloo lily" est un titre enjoué à la "Golf girl", en plus heavy, chanté par Richard. "The love in your eye" est le morceau de bravoure de Pye, une magnifique mélodie, hélas gâchée par un arrangement de cordes baveuses et de cuivres par trop rutilants. Les trois autres titres, chantés par Pye, courts, sont parfaitement charmants. Et le cd comporte des bonus excellents comme ce "Pye's june thing" chanté avec un simple accompagnement de guitare sèche.
Avec ses défauts, son côté bancal, "Waterloo Lily" est un album très attachant. On peut trouver que "In the land..." frisait l'overdose d'orgue, la légèreté du piano de Miller est d'autant plus appréciable qu'elle permet aux autres de s'exprimer. Pye prend ses premiers solos de guitare et s'en sort très bien. Quant à Richard Sinclair, il est impérial. Le mixage met sa basse très en avant et il rayonne tout au long du disque.
C'est un fait rare qu'un groupe en train de se déliter produise un très bon album, et ce n'est pas tous les jours qu'on voit un fait rare passer.

Face A : Waterloo Lily / Nothing at All - It's Coming Soon - Nothing at All (Reprise) / Songs and Signs
Face B : Aristocracy / The Love in Your Eye - To Catch Me a Brother - Subsultus - Debouchement - Tilbury Kecks / The World Is Yours

En écoute :
http://grooveshark.com/#!/album/Waterloo+Lily/2769138

Vidéos :



Epilogue
Hastings et Coughlan restent seuls à bord de Caravan, Richard Sinclair part fonder Hatfield & the North avec Phil Miller, Pip Pyle et Dave Stewart. Quant à Steve Miller, il enregistre avec Lol Coxhill (deux split-albums réédités en double cd chez Cuneiform. Le Caravan poppy-proggy de 1973 a du succès (For girls who grow plump in the night), mais c'est un autre groupe dont Pye est l'unique leader. Le groupe originel se rassemble en 1982 pour enregistrer Back to front pour lequel il autorisé d'avoir une certaine indulgence si l'on est vraiment caravanomaniaque.
Si j'étais moi, ce qu'à Dieu ne plaise, je conseillerais de commencer par If I could do it … parce que c'est le plus acéré, le plus fougueux comme le plus aérien, des albums de Caravan.
Après, vous êtes assez grands pour vous débrouiller, non?



1 commentaire:

  1. MC5 the king of the night6 juillet 2013 à 18:03

    "C'est un fait rare qu'un groupe en train de se déliter produise un très bon album, et ce n'est pas tous les jours qu'on voit un fait rare passer."

    C'est très beau. :')

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