23 mars 2011

En route pour Seattle par Peter Bagge




















Vous m'excuserez, mais du temps où les teenagers portaient des jeans déchirés (pour ne pas dire en lambeaux) au niveau des genoux, les cheveux gras tombant sur des oreilles dans lesquelles s'incrustaient des écouteurs reliés à un baladeur k7, moi Mr BOF, j'avais plutôt les yeux rivés sur l'écran de ma Gameboy en serrant les dents pour passer le next level dans Supermario Bros.

1991. Nirvana sort son Smells Like Teen Spirit et une certaine jeunesse se prend d'une passion pour ce prototype du Christ décharné absorbant la folie des uns et des autres jusqu'à en péter une durite. On connaît tous l'Histoire. Le label Sub Pop, le mouvement Grunge et l'épicentre du phénomène : Seattle.

Créateur du magazine « Weirdo », Robert Crumb publie des dessins de Peter Bagge en 1981 et, deux ans après, lui confie carrément les rênes du journal. Le style de Bagge se veut mordant, dressant des portraits de l'amérique middle-class, et ce sous un dessin résolument caricatural, énergique et hilarant. Viendra ensuite son propre magazine, l'excellent « Hate » (1990-1998) dans lequel Peter Bagge nous présente l'inénarrable Buddy Bradley, sombre crétin au bord de la trentaine, en galère permanente, une touche à la Gaston Lagaffe (!) vivant à Seattle en plein boom de l'alternative sound.

En 2005, l'éditeur Rackham sort « En route pour Seattle » au pays du camenbert, du Pastis et de Johnny Hallyday : une compilation des premières histoires de Buddy Bradley qui sera suivie de « En route pour le New Jersey » (Mmm...ils ne se sont pas foulés sur les titres français).
Looser magnifique, la vie de Buddy est l'occasion de respirer l'air de cette époque où Saddam faisait encore la guerre à papa Bush. Vivant dans un appartement avec des potes ravagés du bulbe, Buddy nous plonge dans ses aventures sans lendemain, ses plans foireux pour trouver un bout de bonheur au coin de la rue...sa fainéantise accablante et sa négligence permanente n'arrangeant rien à ses problèmes. Un exemple ? Au pieu, à poil, une clope au bec juste après le coït, sa nana se lève et se rhabille :

Elle (mielleuse) : tu n'as pas envie qu'on se fasse un petit dîner en tête à tête à la maison pour changer ? Ce serait si romantique !
Lui (soupir) : j'vois pas l'intérêt puisqu'on a déjà niqué aujourd'hui...».

Le meilleur pote de Buddy, le bien nommé Stinky, l'entraîne constamment dans les pires embrouilles des pires rades de la ville. Cette paires de branleurs pathétiques tue son ennuie à droite à gauche, arpentant les rues, s'étripant pour un oui ou pour un non. Dans une boutique de comics, le vendeur interpelle nos deux amis :

Le vendeur : Hé, pourquoi vous ne feriez pas quelque chose de constructif, comme défendre les intérêts américains dans le golfe persique...»
Stinky : Quoi ?! Pas question ! J'donnerai pas mon sang pour du pétrole, mec !
Le vendeur (narquois) : Oh, je vois...Vous étiez sérieusement impliqués dans le mouvement pacifiste...
Buddy : J'avais pas l'intention de me battre ou de protester...J'ai juste bu plus de bières et lu plus de BD...
Stinky : J'étais contre la protestation jusqu'à c'que je réalise combien de jolis nanas défilaient pour la paix, après j'étais de toutes les manifs !
Le vendeur (dépité) : Alors pour vous, le cul était plus important que la paix, hein ? Et si la guerre n'était pas pour le pétrole ? Si l'approvisionnement mondial en bière était menacé ? Ou en BD, ou...
Stinky (le coupant) : Merde, mec ! J'me battrais pour le cul, mais c'est tout ! C'est ma limite !!!

Portraitiste d'une Amérique égarée, jouant avec les turpitudes de cette jeunesse décadente, Peter Bagge nous livre une vision sans concession des 90's en plein grunge power à travers les yeux d'un dickhead paumé dans ses baskets : un régal !

Mr BOF

2 commentaires:

  1. Seattle c'est Jimi Hendrix aussi ! ;)

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  2. Tiens ça ferait un bon topic...A quel lieu rattache-t-on instinctivement un artiste ?
    Pour ma part, si on dit "Jimi Hendrix", je pense "Ile de Wight".

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