7 novembre 2009

Lost Highway (1997)

« Ah, bah moi j'aime pas Lynch, j'y comprends rien, et puis d'abord, je parie que lui-même n'y pige que dalle... »
Voilà le genre de réflexion qui me fout en rogne et vient titiller ma nature profondément intolérante.
Le cinéma de Lynch se veut sensoriel, onirique, à la lisière du réel et de l'au-delà. Nul besoin de tout comprendre d'un art pour l'apprécier. Il suffit de se laisser conduire par le réalisateur, sans regarder dans le rétroviseur.
Twin Peaks, Eraserhead, Blue Velvet, Mulholland Drive : des diamants noirs dont l'éclat vous aveugle durablement. Difficile de passer derrière Lynch. Difficile de revenir à la triste réalité de la production américaine de ces dernières années. Peu de metteurs en scène contemporains peuvent se targuer de le talonner...
1997.
Le schizophrénique Lost Highway sort sur les écrans. Une plongée viscérale au cœur de l'absurde, angoissante et visqueuse à souhait.
Fred Madison, saxophoniste nocturne, est tourmenté par des vidéos laissées sur le pas de sa porte, offrant la vue de sa compagne en pleine brouette thaïlandaise dans leur lit kingsize. En toute logique, il pète les plombs et la tue.
Tout du moins, c'est ce qu'une nouvelle vidéo vient démontrer. Fred, lui, ne sait plus. Condamné à mort, reclus dans sa cellule, il s'endort. Le lendemain matin, Fred n'est plus là. Une autre personne est dans la cellule. Et le film de repartir dans une toute autre direction. Du moins c'est ce que l'on croit...
Les images de Lynch sont absolument fascinantes. Mais Lynch le sait, le cinéma, c'est de l'image mais aussi du son.
Angelo Badalamenti, c'est un peu son Bernard Herrmann. Une nouvelle fois, Angelo va produire un travail magnifique sur ce score protéiforme et néanmoins cohérent.
Du jazz rageur et tendu comme une arbalète dans "Red Bats With Teeth", une atmosphère aussi glaciale qu'anxiogène dans "Haunting And Heartbreaking", du bon gros dub pourvu d'une guitare cisaillant quelques riffs en arrière plan dans "Dub Driving", de la sauce « made in Lalo Schifrin » dans "Mr Eddy's Theme", et une nappe de synthé se soldant par un rire sardonique dans "Fred's World" : voici quelques ingrédients concoctés par Angelo.
A cette marmite infernale vient s'ajouter d'excellents titres d'artistes bien tordus dont on devine l'attrait de Lynch.
Lou Reed reprend une chanson des Drifters avec "This Magic Moment", Bowie ouvre la voie avec son "I'm Deranged" parfaitement à sa place, Trent Reznor assène un "The Perfect Drug" de bon aloi, le ringard Marilyn Manson s'en donne à cœur joie sur l'incroyable tube du non moins incroyable Screamin' Jay Hawkins : "I Put A Spell On You". A ce festin, on retrouve également Rammstein, ce rigolo groupe allemand qui chante une chanson éponyme et guess what ?
Le magma prend forme et l'ensemble est homogène. Oui, ce score est homogène. Tout se tient.
Par le bout du gland bien sûr. Le sexe et la violence sont fondamentalement liés dans cette débauche de sombres sensations, de pulsions primaires et d'oppression psychique. Démiurge bicéphale de ce pandémonium, Lynch/Badalamenti soulève le rideau rouge en souriant.
Nous roulons sur l'autoroute dans l'obscurité, nous guidant à l'aide de cette ligne jaune, médiane, si rassurante.
Dieu sait ce qui nous attend si l'on s'en écarte...
Dieu...
Et Lynch bien sûr.


Mr Bof.

La B.O. sur deezer :
http://www.deezer.com/fr/#music/various-artists/lost-highway-123394

Tracklisting :

1. I'm Deranged (Edit) - David Bowie
2. Videodrones; Questions - Trent Reznor
3. Perfect Drug, The - Nine Inch Nails
4. Red Bats With Teeth - Angelo Badalamenti
5. Haunting and Heartbreaking - Angelo Badalamenti
6. Eye - Smashing Pumpkins
7. Dub Driving - Angelo Badalamenti
8. Mr. Eddy's Theme #1 - Barry Adamson
9. This Magic Moment - Lou Reed
10. Mr. Eddy's Theme #2 - Barry Adamson
11. Fred and Renee Make Love - Angelo Badalamenti
12. Apple of Sodom - Marilyn Manson
13. Insensatez - Antonio Carlos Jobim
14. Something Wicked This Way Comes (Edit) - Barry Adamson
15. I Put a Spell on You - Marilyn Manson
16. Fats Revisited - Angelo Badalamenti
17. Fred's World - Angelo Badalamenti
18. Rammstein (Edit) - Rammstein
19. Hollywood Sunset - Barry Adamson
20. Hierate Mich (Edit) - Rammstein
21. Police - Angelo Badalamenti
22. Driver Down - Trent Reznor
23. I'm Deranged (Reprise) - David Bowie





1 commentaire:

  1. Superbe BO qui compile les grands artistes que j'adore (Bowie, Manson, Reznor, Rammstein, Lou Reed sur une même BO, c'est hallucinant) et qui m'a fait découvrir Barry Adamson, ce Haïtien passionné de polar noir. Sa reprise du thème de James Bond sur un de ses albums est excellente.

    Quant au film... Vraiment déroutant et qui parait bordélique en étant finalement extrêmement bien construit. Miam.

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