10 janvier 2014

The Flaming Lips - Hear It Is (1986) + guide d'écoute.

Les Flaming Lips sont l'archétype du groupe découvert sur le tard et finalement pas pour les bonnes raisons. Pendant longtemps, on a résumé le groupe au seul Soft Bulletin (1999) un disque hautement recommandable mais également assez "mainstream" dans la discographie du groupe. Il faut dire qu'avant ce dernier, on ne connaissait que des titres à base de bidouillages sonores et/ou au son noisy assez éreintant. Le genre de compositions qui ne donnait pas spécialement envie de creuser plus avant. On s'est donc longtemps satisfait de ce disque plus léger au détriment des premiers albums du groupe.
On se rend compte aujourd'hui de notre erreur (il suffit de lire ce que l'on disait en 2009 pour la sortie d'Embryonic) après avoir écouté et disséqué l'ensemble de l'oeuvre de Wayne Coyne et de ses acolytes. Il était temps pour nous de mettre en lumière les débuts du groupe et notamment cette formidable entrée en matière qu'est Hear It Is.

Le groupe se forme à Oklahoma City en 1983 autour des frangins Wayne et Mark Coyne, le premier assurant la guitare tandis que le second assurait le chant. Michael Ivins complète le duo à la basse tandis que de multiples batteurs se succèdent avant que Richard English ne stabilise la formation. C'est ce line up qui enregistre un premier EP homonyme en 1984. Un EP que l'on retrouve sur la compilation Finally the Punk Rockers Are Taking Acid.
Mark Coyne quittant le groupe, le quatuor devient trio et Wayne Coyne prend le chant à son compte. Le trio entre donc en studio pour enregistrer leur premier album.

Sur ce disque, les Flaming Lips proposent un patchwork de leurs influences. On ne retrouve pas la recherche, la profondeur même de leurs productions ultérieures. tout n'est pas parfaitement mis en place comme sur Soft Bulletin par exemple. Ici, on parle d'une oeuvre de jeunesse, avec toute la fougue qui la caractérise. On retrouvera ainsi pêle mêle sur ce disque punk rock habité, pyschédélisme à tous les niveaux bien entendu ("She's Death") et de fortes réminiscences de l'oeuvre du Gun Club manifeste sur des titres comme "Unplugged" ou "Charlie Mansion Blues".

On retrouve également quelques pistes pop folk de haute tenue, aux mélodies efficaces et imparables ("With You" ; "Trains, Brains & Rain" ; "Godzilla Flick") . C'est d'ailleurs un leitmotiv sur ce disque : jamais la voix de Coyne n'est sacrifiée sur l'autel du dieu larsen comme sur le frontal "Just Like Before".
Et ce, même si chez les Flaming Lips c'est un peu comme la boîte de chocolat chère à Forrest Gump, on ne sait pas sur quoi on va tomber. En atteste le traitement réservé à "With You" ou bien sûr son titre le plus connu, "Jesus Shooting Heroïn". Une pièce hallucinante et hallucinée de plus de sept minutes alternant passages acoustiques et déflagrations à la Sonic Youth, le tout baignant dans une noirceur absolue. Une noirceaur que l'on retrouve à un degré moindre sur "Charlie Mansion Blues".

Disque fourre-tout, ce Hear It Is ne donne curieusement pas l'impression de se retrouver devant une compilation éparse de titres, malgré les styles différents déployés ici. Plusieurs éléments y concourent. La voix de Coyne tout d'abord, convaincante et parfois même habitée qui sert de fil conducteur à cet album. Cette rythmique ensuite, ce groove instillé par le groupe, malgré (ou à cause d') un son de batterie minimale, qui fait de Hear It Is un album homogène.

Comme pour le premier Spacemen 3, on est en droit de lui préférer des oeuvres postérieures, pourtant ce premier album reste une oeuvre majeure des Flaming Lips, si justement on oublie ce que l'on pense savoir du groupe. Il est curieux que les débuts du groupe n'aient pas forcément bonne presse, sans doute parce qu'ils sont jugés par les fans à l'aune de leurs oeuvres postérieures. Or, force est de constater que le groupe à ses débuts n'a que peu à voir avec celui de Cloud Taste Metallic, Soft Bulletin ou même Embryonic.

Pour autant, difficile de ne pas penser que ce disque n'ait pas eu, à défaut d'un succès critique, une influence sur la scène underground américaine. On imagine d'ailleurs assez bien Kurt Cobain faire une grosse fixette sur un titre comme "Man From Pakistan".

"A classic" dirait les américains, "a masterpiece" ajouterons nous.

Frank

PS : ce disque a été parfaitement réédité en vinyle avec une pochette différente et un bonus, la reprise de "Summertime Blues", plus proche de la version de Blue Cheer que de celle d'Eddie Cochran.

Tracklisting : With You / Unplugged / Trains, Brains & Rain / Jesus Shootin' Heroin / Just Like Before / She Is Death / Charlie Manson Blues / Man from Pakistan / Godzilla Flick / Staring at Sound/With You (Reprise) / Summertime Blues

(http://grooveshark.com/#!/album/Hear+It+Is/125326 )




GUIDE D'ECOUTE :

Oh My Gawd !!!... The Flaming Lips (1987) : Avec ce disque, les Flaming Lips livre un album plus dense et lourd que son prédécesseur sans toutefois se démarquer complètement de leurs débuts. Les influences floydiennes commencent à se faire sentir pour un groupe qui reprendra 22 ans plus tard Dark Side Of The Moon. Des doutes ? une écoute de "One Million Billionth of a Millisecond on a Sunday Morning" devrait convaincre les sceptiques du parallèle. On retrouve également sur cet album des tempos assez proche du heavy rock seventies, à la sauce Flaming Lips bien sûr.
A noter que le disque s'ouvre par une citation de "Revolution 9" et se conclue par un sample de "Tomorrow Never Knows".


Transmissions from the Satellite Heart (1993) / Clouds Taste Metallic (1995) : Convenons-en, même si on trouve des superbes pistes sur les albums Telepathic Surgery (1989),  In a Priest Driven Ambulance (1990) et Hit to Death in the Future Head (1992), il faut attendre Transmissions from the Satellite Heart et Clouds Taste Metallic, le bien nommé, pour retrouver des albums de grandes tenues.
C'est sur ces disques que le groupe construit ce qui a longtemps été sa marque de
fabrique : une pop atmosphérique sur laquelle le groupe vient plaquer des guitares saturées. Comme si Brian Wilson avait Sonic Youth comme backing band.
Ces albums devraient combler à la fois les amateurs de sons noisy et les amoureux des mélodies bien troussées.
(http://grooveshark.com/#!/album/Transmissions+From+The+Satellite+Heart/115755) (http://grooveshark.com/#!/album/Clouds+Taste+Metallic/115751)

The Soft Bulletin (1999) : L'album "pop" du groupe, celui sur lequel la recherche mélodique prends le pas sur la déconstruction et l'abus de larsens qui a fait la réputation du groupe. Un disque bouleversant, une tentative de faire de la pop symphonique à l'orée des années 2000, une relecture moderne de Odessey & Oracle en quelque sorte. Mixé par Dave Fridmann, chaque note prend une dimension céleste. Presque deux ans de travail auront été nécessaire pour peaufiner cet album. Le résultat est à la hauteur. Après le roboratif quadruple album Zaireeka (1997), The Soft Bulletin est la preuve que démesure n'est pas forcément un gros mot.
(http://grooveshark.com/#!/album/The+Soft+Bulletin/111795)

Yoshimi Battles The Pink Robots (2000) : le groupe joue à la fois la carte de la stabilité en gardant les bases mélodiques de The Soft Bulletin mais opère un changement dans le son en incorporant moults éléments électroniques. Plus aventureux, plus expérimental, ce Yoshimi Battles The Pink Robots est une nouvelle preuve du talent de Wayne Coyne.
(http://grooveshark.com/#!/album/Yoshimi+Battles+The+Pink+Robots/1330214)


Le groupe a également fait l'objet de nombreuses compilations. Si Finally the Punk Rockers Are Taking Acid permettra au néophyte de s'initier aux débuts du groupe de la meilleure des manières, celle-ci est désormais difficilement trouvable ou alors à un prix démesuré. Une solution moins onéreuse est de se rabattre sur A Collection of Songs Representing an Enthusiasm for Recording...By Amateurs que l'on trouve assez facilement et pas bien cher et qui regroupe une sélection de titres enregistrés entre 1984 et 1990.


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