5 octobre 2013

Hatfield & The North : le son de Canterbury



Hatfield & the North : Choosing notes to see if they make friends (Pip Pyle, Licks for the Ladies)
Si ça c'est pas du condensé de Canterbury, je veux bien être pendu par les cheveux : une bonne dose d'essence de Caravan (Richard Sinclair), une cuillerée à soupe de Matching Mole (Phil Miller) et une pincée de Gong (Pip Pyle) et, shake it baby shake, ça donne Hatfield & the North. Le groupe doit son nom à la 1ere sortie d'autoroute au nord de Londres comme on le peut voir sur la couverture du 1er numéro de l'excellent fanzine Atem sorti en décembre 1975. Il faudra quelque temps pour trouver le clavier qui convient : après Steve Miller puis David Sinclair, c'est Dave Stewart (ex-Egg) qui rejoint le groupe en 1973. Il reste cependant un témoignage du groupe enregistré fin 1972 avec David Sinclair à l'orgue et, surtout, Robert Wyatt pour deux titres (God song et Fol de Rol) et une impro en babil avec un contrechant de Richard, à partir de 4' (For Robert) . C'est un charcumontage de 6 minutes (shunté n'importe comment) mais on en retrouve l’intégrale de 19' sur le bootleg Canterbury Anthology vol 12.

Hatfield & the North with Robert Wyatt, Rockenstock, December 72

Self titled : Drinking tea in the sea (Pip Pyle, Licks for the Ladies)
Le 1er album officiel sort en 1974. Toutes les compos de Richard Sinclair et de Phil Miller sont des réussites . Le chant de Richard atteint des sommets d'élégance dans les trois titres qu'il enchaîne sur la seconde face (Licks for the Ladies, Bossa Nochance et Big Jobs n°2 - by Poo Poo and the Wee Wees). Il pratique aussi le chant sans paroles, seul dans Aigrette, et en duo avec Robert Wyatt dans le magnifique Calyx. Ces deux chansons étant signées par Miller. Dans le délicat Fol de Rol, Richard se fend d'un solo de basse d'une subtilité sidérante. On peut émettre quelques réserves sur les titres largement instrumentaux signés Pip Pyle (Shaving is boring) et Dave Stewart, pour leur leur côté prog. Mais Son of « There's no place like Homerton » tire son épingle du jeu grâce à l'intervention du sax de Geoff Leigh, qui apporte une guillerette touche Henry Cow première époque, et à celle des gracieux choeurs féminins des « Wonderful Northettes » que l'on retrouve également dans Lobster in a cleavage probe du même Stewart. Au final, un album plein de charme malgré ses quelques scories.

Face A : "The Stubbs Effect" (Pyle) / "Big Jobs (Poo Poo Extract)" (Sinclair/Pyle) / "Going Up To People and Tinkling" (Stewart) / "Calyx" (Miller) / "Son of 'There's No Place Like Homerton'" (Stewart) / "Aigrette" (Miller) / "Rifferama" (Sinclair arr. Hatfield and the North)
Face B : "Fol de Rol" (Sinclair/Wyatt) / "Shaving Is Boring" (Pyle) / "Licks for the Ladies" (Sinclair/Pyle) / "Bossa Nochance" (Sinclair) / "Big Jobs No. 2 (By Poo and the Wee Wees)" (Sinclair/Pyle) / "Lobster in Cleavage Probe" (Stewart) / "Gigantic Land Crabs in Earth Takeover Bid" (Stewart) / "The Other Stubbs Effect" (Pyle)


(http://grooveshark.com/#!/album/Hatfield+And+The+North/7505270)

Calyx

The Rotter's club : Please do not take it seriously really, what a joke! (Pip Pyle, Share it)
Le jeune Philip du bouquin de Jonathan Coe est un fou de Hatfield & the North, c'est pourquoi l'auteur donne à son roman le même titre (en français, Bienvenue au club) que celui du second album du groupe.
Le disque démarre sur le poppy et fringant Share it, une compo de Sinclair très caravanienne sur des paroles de Pip Pyle (Laughing and drinking, dancing, grooving, stoned again
 / Falling over singing, hoping that you'll share it) également enjouées. Même le solo de Mini Moog de Stewart, pourtant assez daté, s'accorde à l'ambiance joyeuse de la chanson. S'ensuit, un thème jazzy plutôt fin, caractéristique de Phil Miller, qui n'est pas sans évoquer un certain petit disque rouge (Lounging there Triying). Après deux micro-interludes, (Big) John Wayne socks psychology on the jaw et Chaos at the greasy spoon, où Richard s'essaie à la fuzz bass additionnée de wah-wah (!), la première face continue par deux plus conséquentes compos de Pip Pyle. The Yes/No Interlude est un instrumental avec une section de vents formée de Brother Jim au saxo, de Tim Hodgkinson à la clarinette et de Lindsay Cooper au basson. Ces deux derniers, membres de Henry Cow, donnent à ce titre une coloration semblable à celle du Son of « There's no place like Homerton » du 1er album. Mais la meilleure des deux est encore Fitter Sroke has a bath, chantée par Richard, avec beaucoup d'application dans cette video :

Fitter Stroke has a bath 

Enfin, la face se termine tout en douceur avec le délicieux Didn't matter anyway, sur lequel papillonne la flûte de Jimmy Hastings.
L'essentiel de la seconde face est occupé par une longue suite de Dave Stewart, Mumps. La partie centrale, Lumps, rappelle les meilleures heures de Caravan. Le vocaux de Richard s'y mêlent à l'orgue de Stewart, qui évoque clairement le Dave Sinclair de Nine feet underground. A cela viennent s'ajouter les éléments plus spécifiques à Hatfield que sont le jeu de guitare de Miller, souvent clair, jazzy et délicat, parfois fuzz, et les choeurs des Northettes.

Face A : "Share It" (Sinclair/Pyle) / "Lounging There Trying" (Miller) / "(Big) John Wayne Socks Psychology on the Jaw" (Stewart) / "Chaos at the Greasy Spoon" (Sinclair/Pyle) / "The Yes No Interlude" (Pyle) / "Fitter Stoke Has a Bath" (Pyle) / "Didn't Matter Anyway" (Sinclair)
Face B : "Underdub" (Miller) / "Mumps" (Stewart)

(http://grooveshark.com/#!/album/The+Rotters+Club/2419704)

On peut juger tout cela assez peu rock'n roll, un peu trop maniéré-cup of tea-petit doigt en l'air, mais, derrière la complexité de l'écriture, la modestie et la fraîcheur de l'ensemble font de Hatfield & the North un des groupes les plus attachants de la scène de Canterbury. C'est, à l'évidence, l'élégance supérieure de Richard Sinclair, qui procure au groupe une grande part de ces qualités.

Laissons la conclusion à feu Sa Sainteté Hugh Hopper 1er, pape de la fuzz bass et protohigoumène de Canterbury qui déclarait à propos de H & the N : « Je pense que la musique qu'ils ont créée est l'une des plus fortes de ces dernières années. Richard Sinclair est mon bassiste préféré en Angleterre. » (Atem n°8, février 1977).

Peter Mermoz Steinhauser

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