31 janvier 2014

Magic Trick - River Of Souls (2013)

2013 aura été une année spéciale pour Tim Cohen qui n'aura pas eu la même débauche d'énergie qu'à l'accoutumée. Un seul EP pour les Fresh And Onlys et donc un album sous le nom de Magic Trick. C'est déjà beaucoup mais on s'était presque habitué au rythme de stakhanoviste de ce magicien de la pop.
Niveau backing band, on ne change pas une équipe qui gagne et Tim Cohen est toujours entouré des mêmes compagnons, Noelle Cahill, James Kim et Alicia Vanden Heuvel. Steve Peacock qui avait déjà illuminé de son jeu de guitare "Daylight Moon" sur The Glad Birth Of Love assure le solo sur "My World" tandis que Tom Heyman vient tenir la guitare sur 4 pistes (dont une pedal steel sur "Beloved One"). Un Tom Heyman que l'on connaît pour avoir joué avec Girls sur Broken Dreams Club.

On se demandait bien quelle tournure, quelle tonalité, allait être donnée à la suite discographique de son projet Magic Trick, après un Glad Birth Of Love mirifique qui explosait les carcans de la pop et un Ruler Of The Night qui, sans perdre en qualité, était nettement plus conventionnel.
Pour tout dire, Cohen se renouvelle sans rien changer. On retrouve toujours ces compositions envoûtantes, cette ambiance cotonneuse, ces vocaux aériens et cette douce mélancolie qui font tout le charme de ses productions ("Beloved One").
Mais on note des changements notables. Tout d'abord une utilisation accrue des claviers qui viennent apporter une coloration particulière aux compositions. "I'm A Joke" ou "Salvation" risquent ainsi d'en surprendre plus d'un. Ensuite le groupe propose sur cet album quelques saillies de guitare qui rappelleront quelques souvenirs à celles et ceux qui suivent les Fresh & Onlys depuis leurs débuts (la splendide "The Store"). Enfin, on note quelques variations, un côté plus aventureux, notamment quand il applique sa formule habituelle à une base doo-wop ("You Have To Do"), à des rythmes western ("Crazy Teeth") ou simplement en évoquant ni plus ni moins que l'écurie Motown ("My World").
Plus surprenant, "Blinding Light", dont les guitares sonnent comme du Mark Knofler ! Diantre, ce Cohen est-il un génie ou plus sûrement un démon pour nous faire aimer un morceau comme celui là ?

En fait, à bien y regarder, en enlevant le vernis qui recouvre les dix titres de ce River Of Souls, Tim Cohen a sorti un album très classique, piochant globalement dans tous les genres. Sauf que Tim Cohen a pour lui un talent certain pour trousser des mélodies imparables et surtout à transformer en or tout ce qu'il touche.
Ce River Of Souls ne fait pas exception.

Frank

En écoute ici :

29 novembre 2013

The Fresh & Onlys - Soothsayer (2013)

Le moins que l'on puisse dire c'est que les Fresh And Onlys sont arrivés à un tournant de leur carrière. Faisant fi du passé, le groupe a pris son temps pour opérer sa mue et offrir l'an passé un disque remarquable (Long Slow Dance) qui, malgré ses qualités, semble avoir décontenancé plus d'un fan de la première heure. A ce changement de cap, s'ajoutent les velléités solos de plusieurs de ses membres dont le guitariste Wymond Miles qui délaisse le groupe en tournée (il était absent lors de leur prestation au Point Ephémère) et vient de sortir un disque assez inutile, après un premier EP déjà inoffensif l'an passé. Quel cap donner à sa musique quand on vient de tutoyer le succès avec un disque aux sonorités si peu californiennes ? Poursuivre dans le même sens au risque de s'épuiser ? Revenir à ses anciennes amours ? Le choix est peu aisé et ce n'est pas ce Soothsayer qui permettra de répondre à ces questions.

On ne sent pas vraiment d'implication sur les six titres qui composent ce nouvel EP. Là où l'agencement et la tenue des titres sur Long Slow Dance nous faisaient nous pâmer de plaisir, on ne peut réfréner quelques bâillements à l'écoute de "Forest Down Annie", "Glass Bottom Boat" ou "Drugs"...
Des titres mollassons sur lesquels on a l'impression d'entendre le groupe en roue libre, comme si après un bon repas ils étaient plus obnubilés par la sieste que d'enregistrer des morceaux.
Le morceau-titre "Soothsayer", en droite ligne de Long Slow Dance, convainc à moitié malgré une construction plutôt alambiquée et finalement ne se retient surtout que parce qu'il cotoie les titres sus-cités.
Heureusement, la bande à Tim Cohen est encore capable de pondre un titre comme "God Of Suez", superbe titre, qui fait écho aux travaux du groupe sur Play It Strange, et qui justifierait à lui seul l'acquisition de cet EP.
Un EP en forme d'avertissement et un titre en forme de lueur d'espoir. On est anxieux pour la suite.

Frank

Tracklisting :
01 – Soothsayer
02 – God of Suez
03 – Forest Down Annie
04 – Glass Bottom Boat
05 – Drugs
06 – Deluge of War

Audio & Vidéo :




1 janvier 2013

The Fresh & Onlys – Long Slow Dance (2012)

Pas de doute, aucune hésitation : Long Slow Dance est un disque formidable. Tim Cohen et ses avatars, en groupe ou en solo, avaient déjà livré des disques excellents, mais là...

On n'a pas vu le coup venir, clairement, occupé sans doute à d'autres écoutes, distrait, fatigué peut être, bref, non, on ne l'a pas vu venir, ce coup là : le quatrième album des Fresh & Onlys est, osons le mot, un classique de la pop.

Bien entendu, il ne s'agit pas ici d'un d'un classique pesant, comme on en croise dans les discothèques idéales, et autres répertoires des cent, deux cent, mille albums indispensables du rock. Long Slow Dance est de la race des disques qui deviennent des classiques intimes, qui se signalent par leurs qualités d'écriture, et qui, grâce à elles, s'imposent sur la durée, et se font les familiers de l'auditeur.

Ce rôle de disque de chevet fut ainsi tenu, dans la décennie 90, par Frosting On The Beater des Posies, puis par Chutes Too Narrow des Shins, pour les années 2000.

Et une fois que l'on a dit cela, on n'a pas dit grand chose... Car ce genre de disque est bien difficile à chroniquer. Par où commencer, quand tout est bon ?

Par les chansons, tout simplement, peut être...sûrement ! Et peut être par « Presence Of Mind », qui, faux ami mais véritable perle, risque bien de jet-lagger l'auditeur : l'aller retour San Francisco- Manchester, négocié en trois minutes, peut, en effet, provoquer quelques vertiges. Les inflexions vocales de Tim Cohen évoquent Morrissey, les Smiths nous reviennent en plein tête, grâce à la rythmique élastique du morceau, et pourtant, l'hommage n'est pas forcé, tout est fin, d'une grande élégance.

L'élégance, voilà ce qui définit le mieux ce disque. Sans rien de guindé ni d'outré, les chansons  tombent toujours juste. Le piano de « 20 Days And 20 Nights » apporte ses notes idéales à une pop song désabusée. L'urgente « Yes Or No », quand à elle, témoigne de l'extrême cohésion du groupe. Chaque musicien s'y montre au point, le bassiste et le guitariste se montrant surdoués au « qui perd gagne », tant leur jeu économe produit ici un maximum d'effet. En 2'30, les Fresh & Onlys montrent qu'ils ont tout compris.

Bon sang, il faudrait citer chaque chanson ! Il est impossible de choisir entre la nervosité d' « Euphoria » et le romantisme de « No regard », aux guitares kaléidoscopiques. Tim Cohen semble prendre un malin plaisir à souffler le chaud et le froid. Bucolique, chaleureuse, « Dream Girls », avec son marimba et son intro joufflue, aux faux airs de Harvest, contraste avec « Fire Alarm », plus tendue, plus froide. Les deux morceaux se suivent, et l'on se rend compte de l'étendue du registre du groupe. Et quelle délicatesse : « Long Slow Dance » a le charme d'une aquarelle, avec sa tristesse délavée...

Suprême astuce de Tim Cohen : au moment même où l'on se dit que les morceaux sont excellents mais qu'il manque un petit quelque chose, débarque « Foolish Person ». Pendant près d'une demi-heure, toutes les chansons était parfaitement tenues, trop, peut être.. Cohen chantait ses histoires de cœur d'un ton détaché, les musiciens étaient parfaits. Il fallait que le glaçage cool craque. Tout lâche le temps de « Foolish Person ». Le leader des Fresh & Onlys balance : « I don't want to be a fool anymore ». Le travail sur les vocaux est très beau : tantôt naturelle, tantôt nimbée d'écho, la voix de Tim Cohen s'offre dans un miroir brisé. Comme lasse de ces fragilités, la guitare de Wymond Miles prend alors son élan, le temps d'une embardée magnifique... C'est un superbe morceau, vibrant d'énergie, et qui laisse l'auditeur pantelant. Charitables, les Fresh & Onlys concluent l'album sur un mini-morceau tout en douceur, « Wanna Do Right By You ».

Un son parfait, d'excellentes chansons, bien agencées, un ton très personnel : Long Slow Dance a tout bon. Voilà un excellent disque, signé par un excellent groupe. Après Play It Strange, Long Slow Dance : les Fresh & Onlys font partie des grands.

Bruno

Liste des morceaux :
1 - 20 Days And 20 Nights
2 -  Yes Or No ?
3 - Long Slow Dance
4 - Presence Of Mind
5 - Dream Girls
6 - Fire Alarm
7 - Executioner's Song
8 - No Regard
9 - Euphoria
10 - Foolish Person
11 - Wanna Do Right By You

Quelques titres en écoute ici :
http://grooveshark.com/#!/album/Long+Slow+Dance/8017177

Vidéos :



29 août 2012

Magic Trick - Ruler Of The Night (2012)

Après l'O.M.N.I. que constituait A Glad Birth Of Love, on se demandait bien quelle allait être l'orientation choisie par Tim Cohen pour ce nouvel album sous le nom de Magic Trick. Il faut dire que contrairement aux précédents efforts sortis sous son propre nom (Magic Trick ; Bad Blood), le projet Magic Trick tranchait avec les compositions écrites par le barbu californien pour son habituelle formation, les Fresh & Onlys.

Si le fond reste très mélancolique, l'ambiance rêveuse, cotonneuse, quasi hédoniste de A Glad Birth Of Love permettait à l'auditeur de bien faire la séparation avec le fonds de commerce de son groupe. C'est toujours le cas sur ce Ruler Of The Night malgré quelques changements notables.

Tout d'abord, après la démesure de A Glad Birth Of Love, Cohen revient à quelque chose de plus mesuré, de plus conventionnel. Exit les longues plages à tiroir et retour à un format plus en rapport avec ce que l'on a l'habitude d'entendre - on est encore assez éloigné du format pop traditionnel - les compositions oscillant très souvent entre quatre et cinq minutes.
Ensuite, on note ça et là ("Sunny" ; "Weird Memories") quelques pistes qui auraient pu prendre place sur Play It Strange, dernier album en date des Fresh & Onlys (le prochain arrive bientôt).

En dehors de ces changements, on nage donc dans la même atmosphère qu'à l'accoutumée, ce qui devrait ravir celles et ceux qui ont succombé aux charmes du précédent opus de Tim Cohen, ce dernier offrant onze nouvelles ritournelles pop à tomber sur lesquelles il se révèle une nouvelle fois un remarquable songwriter.

Et encore une fois, ce qui surprend le plus, c'est cette faculté à produire des mélodies évidentes autant qu'envoûtantes sur une orchestration riche et complexe.
La construction d'une piste comme "Invisible At Midnight" est assez révélatrice du talent hors norme de Tim Cohen : s'ouvrant sur quelques sonorités biscornues, une guitare sèche prenant le relais, quelques notes de flûtes, avant que des choeurs enfantins viennent contrebalancer la voix presque desséchée de Cohen pour un résultat splendide.
"Next To Nothing" et sa flûte enjouée, un "Ruler Of The Night" stratosphérique, le bouleversant "Torture" où l'entêtante "Rudy", sont quelques-uns des temps forts de l'album.

Quelques-uns car à bien y regarder on peine à ressortir un titre plutôt qu'un autre sur ce disque en tout point remarquable.

Une nouvelle réussite. Une habitude avec le californien.

Frank

Tracklisting :
01- Ruler Of The Night
02- Torture
03- Invisible At Midnight
04- Sunny
05- Next To Nothing
06- Melodies
07- Angel Dust
08- Ruby
09- Same People
10- Weird Memory
11- I Say Your Name

Vidéos :


13 août 2012

In A Cloud II - New Sounds From San Francisco (2012)

L'avantage d'une compilation consacrée à une scène, c'est qu'elle permet à moindre coût de se faire une idée du panorama musical de la dîte cité. Par le passé, la Sympathetic Sounds Of Detroit avait permis de mettre en valeur divers artistes essentiels (White Stripes, Clone Defects, Dirtbombs ou Soledad Brothers) tout comme le premier volet de cette compilation In A Cloud consacré à San Francisco.
Ty Segall, The Oh Sees, Dylan Shearer, Fresh & Onlys, Kelley Stoltz, Sonny & The Sunsets... tous ces artistes dont on dresse les louanges dans ces colonnes étaient représentés sur la In The Cloud I sorti en 2010. Le seul défaut que l'on pouvait lui faire, consistait dans cette volonté, ma foi fort louable, de ne sortir que des inédits des groupes qui composaient le tracklisting. On ne retrouvait donc pas le meilleur de ces artistes, mais ces titres présentaient suffisamment d'attraits pour inciter à creuser la discographie de ces derniers.
Il en est de même avec ce second volet qui globalement fait la part belle au folk là où le premier volume était plutôt garage.

Ainsi on y retrouve un excellent morceau du groupe Vetiver mené par le songwriter Andy Cabic, "Any And All" qui donne vraiment l'envie de se plonger dans l'oeuvre du combo.
Hanna Lew échappé du groupe indie rock Grass Widow dont le Past Time sorti en 2010 comportait quelques bons titres ou Papercuts groupe de la mouvance indie pop au côté de Grizzli Bear ou Beach House, font le job sans que l'on en retire grand chose, ces pistes ni bonnes ni mauvaises, ne retenant finalement pas vraiment l'attention.
Will Sprott leader de The Mumlers dont on avait vaguement entendu parlé notamment pour le délicat "Don't Throw Me Away", s'en sort avec les honneurs sur le plus country "Under My Eyes"

Le disque fait également la part belle aux vétérans comme Chuck Prophet, génial leader des estimés Green On Red, avec le très bon "Gotta Get Back To You" ou Paula Frazer des Tarnation groupe 4AD qui avait eu son petit succès en alternative country il y a plus de dix ans et qui avec "On The Way Back Home" fait la démonstration que le temps n'a pas de prise sur elle, même si comme à l'époque on peine à s'enthousiasmer.
L'exact contraire de Kelley Stoltz, magicien pop qui illumine la face A avec "My Jacqui", pépite pop dont il a définitivement le secret. L'occasion de rappeler que ces deux précédents albums sont deux albums à avoir (Circular Sounds et To Dreamers).

Rayon découverte, le disque nous permet de découvrir les groupes Bad Backs et Lucky Eyes. Si les Lucky Eyes peinent à convaincre, Bad Backs envoie un morceau assez réjouissant avec "Center Of The World" sorte de power pop enregistré en mode garage. Prometteur.

Et on retrouve bien sûr sur ce In A Cloud volume 2 quelques valeurs sûres : Ty Segall, Tim Cohen et Sonny & The Sunsets que l'on ne présente plus.
Si Tim Cohen s'en sort en faisant le strict minimum avec "People Like Us", les Sonny And The Sunsets offre un "Broom And Duspan" flamboyant, relecture inspirée d'un de leurs morceaux sorti uniquement en 7".
Et que dire de Ty Segall (où plutôt du Ty Segall Band), qui lui aussi revisite avec bonheur un de ses vieux morceaux, "Swag" présent sur le split avec Black Time, dans une version plus catchy, et mieux produite.

Frank

Tracklisting :
Side A
1- Vetiver - "Any And All"
2- Chuck Prophet - "Gotta Get Back To You"
3- Hannah Lew (of Grass Widow) - "Octopus Via Satellite"
4- Kelley Stoltz - "My Jacqui"
5- Wymond Miles (of Fresh & Onlys) - "Don’t Ask This Of Me"
6- Papercuts - "Hey Jaqueline"

Side B
1- Ty Segall Band - "Swag"
2- Bad Backs - "Center Of The World"
3- Will Sprott (of The Mumlers) - "Under My Eyes"
4- Paula Frazer - "On The Way Back Home"
5- Lucky Eyes - "The Haunted"
6- Tim Cohen (of Fresh & Onlys) - "People Like Us"
7- Sonny & The Sunsets - "Broom And Dustpan (previously unreleased version)"

3 novembre 2011

Magic Trick - The Glad Birth Of Love (2011)

L'hyper-prolifique Tim Cohen revient moins de six mois après le dyptique Magic Trick / Bad Blood, avec un nouvel effort solo. On a beau suivre le garçon depuis quelques années, la cadence avec laquelle il enregistre des disques laisse pantois. Surtout que pour l'heure la qualité ne se ressent absolument pas de ce rythme de stakhanoviste. Alors qu'il avait finalement trouvé une formule avec sa pop lumineuse et mélancolique, il a choisi de prendre des risques avec ce nouvel album, sorti sous le nom de son backing-band (et accessoirement titre de son précédent enregistrement, vous suivez ?). Ainsi ce disque est sans doute son oeuvre la plus ambitieuse et la plus personnelle à ce jour.

Faisant fi des carcans de la musique pop, Tim Cohen n'hésite pas à livrer 40 minutes de musique réparties sur 4 pistes allant de 7 à 13 minutes ! Tim Cohen déploie ainsi toute sa science mélodique au service de compositions aériennes, d'une grâce rare.
Un Cohen qui joue de presque tous les instruments sur le disque et qui a su s'entourer de quelques guest stars : Diego Gonzalez du groupe électronique californien Jonas Reinhard, Grace Cooper des Sandwitches aux choeurs, John Dwyer des Oh Sees qui joue de la flûte, instrument central puisqu'on retrouve aussi Amber Lamprecht, flûtiste professionnelle.
Ces guests et la présence au sein de Magic Trick de musiciens compétents ( Noelle Cahill, Alicia Vanden Heuvel et James Kim - qui travaille avec Kelley Stoltz -), doit vous en dire long sur la qualité de ces enregistrements d'une grande pureté. Avec un tel écrin, tout devient possible même l'impensable.

"Cherished One" est à ce titre une entrée en matière remarquable. Le morceau permet aux fans de Tim Cohen de retrouver cet univers si particulier, cette nonchalance doublée de mélancolie qui caractérise l'oeuvre du californien. Pour les autres, celles et ceux qui parcourent ces lignes sans connaître une note du bonhomme (vous le faîte exprès aussi vu que l'on a chroniqué l'ensemble de ses albums solos et au sein des Fresh & Onlys), ce titre est aussi l'un des plus abordables du lot malgré sa longueur. Car le groupe multiplie les breaks et les changements de rythme relançant sans cesse la machine et retombant, avec grâce, à chaque fois sur ses pieds, notamment par la qualité de son interprétation et un dynamisme permanent. "Daylight Moon", premier morceau à être dévoilé (dès juillet), se révèle a contrario plus ambitieux. A partir d'une entame peu accrocheuse il faut bien le dire, Tim Cohen fait littéralement exploser son morceau passer 1'45" : la voix angélique de Noelle Cahill répondant aux saillies de guitare de Steve Peacock, pour un résultat en tout point mirifique.
Et que dire du splendide et surréaliste "Clyde", joué sur un rythme de sénateur, servi par une surenchère de percussions et qui voit Cohen réciter des paroles sidérantes : "I found a baby on the side of the road. He was still breathing, so i took him home, called him Clyde.[...] You found the egg and you fertilized a little fish that knew not his plight". Le résultat subjugue autant qu'il désarçonne. Peu d'artistes n'ont réussi à concilier musicalité et un tel niveau d'ambition. A ce titre on osera la comparaison avec un certain Robert Wyatt, auquel cet album nous a immédiatement fait penser. "High Heat" dernier morceau n'est pas en reste avec son florilège d'instruments, ces arpèges délicats, ces cordes pincées...

The Glad Birth Of Love est un disque brillant, à l'alchimie délicate et au charme puissant. Pour réussir un tel disque, il faut être un véritable orfèvre doublé d'un musicien aux aptitudes incroyables. Les morceaux ont beau avoir une structure extrêmement complexe, jamais Tim Cohen ne se départit d'une évidence mélodique qui à ce niveau confine au génie.
On est en droit de ne pas accrocher à ce disque forcément exigent et l'on convient que tous ne s'extasieront pas devant cet album qui s'il représente ce que Cohen a fait de plus abouti, est avant tout un suicide commercial dans les règles de l'art. Et ce d'autant, qu'à l'ère de l'i-pod et du papillonnage numérique, la meilleure écoute possible du disque consiste à le déguster seul, dans un silence de cathédrale (ou le casque vissé sur les oreilles), avachi dans son fauteuil, les paupières closes, en laissant son esprit divaguer au gré du voyage auquel nous convie Tim Cohen, pour ne s'interrompre qu'au bout d'une vingtaine de minutes afin de changer de face...
Mais c'est là tout le sel de ce nouvel album : le charme de The Glad Birth Of Love se mérite...


Frank

Tracklisting :
01. Cherished One
02. Daylight Moon
03. Clyde
04. High Heat

Lien pour écouter Daylight Moon :
http://www.deezer.com/fr/music/magic-trick/the-glad-birth-of-love-1218587

Pas de vidéos trouvées sur le net malheureusement...

15 juin 2011

Fresh & Onlys / Ty Segall / Thee Oh Sees (Maroquinerie - 31/05/11 / La Gaïeté Lyrique 02/06/11 / Cosmic Trip 03/06/11)

"ouais ça fait des mois qu'à RawPowerMag' on nous bassine avec tous ces groupes californiens. C'est sûr que les disques de Ty Segall, Fresh & Onlys et Thee Oh Sees sont bons mais sur scène ça donne quoi ? parce que les disques c'est cool mais c'est l'épreuve de la scène qui permet de déterminer si on a affaire à des vrais putains de bon groupes de rock and roll. Alors ça vaut quoi en live ?"

cette phrase a beau être purement imaginaire, on imagine que certains ici doivent imparablement se poser la même question sur les capacités de ces groupes à transcender leurs morceaux sur scène.
Et bien cela tombe plutôt bien parce qu'en 4 jours on aura vu les Fresh & Onlys, Ty Segall et les Thee Oh Sees !

Mardi 31/05 à la Maroquinerie, les discussions allaient bon train : est-ce que la bande à Tim Cohen allait arriver en pleine possession de leurs moyens après leur passage en Allemagne (ben oui quand on est logé chez King Khan on imagine que ça doit pas sucer que de la glace...) ? Est-ce que le groupe est encore un groupe de rock and roll ?
Cette dernière question revient comme un leitmotiv. Il faut dire que les dernières productions, certes classieuses, du groupe divisent un peu les fans. Certains aimeraient un retour aux sonorités rageuses des débuts même si tous s'accordent à louer les qualités de Play It Strange et Secret Walls.
Les Fresh & Onlys auront répondu à toutes nos interrogations et surtout à toutes nos attentes. Offrant des versions survitaminées de Play It Strange, et même de Secret Walls (le morceau éponyme), les Fresh & Onlys ont épaté l'assemblée et confirmé qu'ils étaient un des meilleurs groupes de rock and roll actuels. "Summer Of Love", "Waterfall", "Until The End Of Time", une version épique de "Tropical Island Suite" (un des temps forts du concert), "Be My Hooker" mais aussi "Feelings In My Heart" et l'extraordinaire "Peacock And Wing" qui clôturera le concert (deux pistes issues de leur premier album éponyme) sont quelques unes des merveilles distillées ce soir là par la bande à Tim Cohen.
Un groupe extraordinaire de cohésion et d'efficacité avec ce soupçon de folie qui fait les très grands groupes.

Jeudi 02/06 dans le splendide décorum de la Gaiété Lyrique c'est au tour de Ty Segall de confirmer sa splendide prestation du Point Ephémère.
On a bien cru après six ou sept morceaux que Ty Segall allait une nouvelle fois époustoufler l'assistance. Il faut dire que le gaillard enquille les pépites, offre de nouveaux morceaux qui augure du meilleur pour l'album à venir. Tout se passait pour le mieux malgré un mix faiblard sur la voix quand arrive l'incident qui a gâché quelque peu la fête : on a pas tout saisi mais a priori la guitare ou l'ampli du Ty a lâché... Un Ty malheureux qui malgré tous ses efforts (slam, démontage de la batterie pour jouer au milieu du public et morceaux frondeurs joués en power trio (le guitariste a laissé sa place à Ty et a donc regagné la loge...).
Même si on était loin de la prestation de novembre dernier, ce concert mitigé a confirmé plusieurs choses :
- l'orientation clairement grunge du groupe sur scène. Rendre le grunge cool si c'est pas la marque d'un certain talent...
- la très bonne tenue des nouveaux morceaux sur scène : on attends avec impatience la nouvelle galette.
- en dépit de circonstances malheureuses, Ty Segall a réussi à offrir un set carré et assez jouissif ce qui n'est déjà pas si mal.

Vendredi 03/06 au Cosmic Trip, les Oh Sees avaient la lourde tâche de conclure la première journée du Cosmic Trip Festival. Le placement des quatre musiciens à l'avant de la scène, les uns à côté des autres ne laissent pas de place au doute : les Oh Sees sont venus pour jouer resserré et d'emblée ça se sent. Offrant un set carré, hypnotique et sans temps morts, John Dwyer et ses compagnons ont confirmé qu'en sus d'être un groupe ultra prolifique ils sont un extraordinaire groupe de scène. A mi-chemin entre noisy et garage rock psyché sixties, le rock des Oh Sees est servi sans fioritures. Pas question donc ici d'aborder les pistes folks de Castlemania ou Dog Poison.
Le set des californiens en a surpris plus d'un dans l'assemblée. Mais point de débat, la prestation des Oh Sees a été un des moments forts de cette quinzième édition du festival.

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C'était la première fois que l'on assistait à un concert des Fresh & Onlys et des Oh Sees et la deuxième fois pour Ty Segall et on peut l'affirmer : ils sont sans doute ce qui est arrivé de mieux au rock and roll ces dernières années.
Car sans savoir si ils arriveront à toujours nous surprendre ils ont au moins remis au goût du jour une méthode d'enregistrement que l'on croyait oublié depuis les sixties : enregistrer des morceaux dès qu'ils sont prêts sans se soucier du format et à une cadence impressionnante. Qualité des enregistrements, hyperactivité et présence scénique. Pourvu que ça dure !

Frank