10 mars 2015

Camera - Remember I Was Carbon Dioxide (2014)

Trio berlinois, Camera nous avait plus qu'emballé en 2012 avec Radiate!, un premier album kraut aux forts accents space rock. Un album sombre, massif qui ne laissait que peu de place aux respirations mais qui imposait Camera comme un des groupes à suivre de cette nouvelle vague kraut.
Retour aux affaires deux ans plus tard avec ce Remember I Was Carbon Dioxide, dont on attendait énormément. L'attente ne fut pas veine, Remember I Was Carbon Dioxide surpassant son prédécesseur en tous points.

Synthèse parfaite entre l'oeuvre passée des Can et autres Neu, Camera repousse les limites du genre et offre ici douze titres, instrumentaux, tous plus brillants les uns que les autres.
A la différence de Radiate!, le groupe maîtrise mieux ses compositions, soigne particulièrement l'ambiance de ses morceaux, ce qui fait que si l'ensemble est plutôt homogène, chaque titre diffère du précédent, évitant toute lassitude de poindre.
La place prise par le clavier, qui structure chaque piste et donne le la, en est la parfaite illustration, libérant l'espace pour de belles boucle de guitares (l'écoute de l'addictive "Synhcron" devrait suffire pour convaincre).
Si le disque fait la part belle aux rythmes lancinants et contemplatifs, le trio offre également une brochette de titres plus rentre-dedans, plus agressifs, qui en plus de varier les plaisirs, laissent augurer de bien belles choses sur scène ("Roehre" et son saxo vénéneux ou "Trophaee").
La construction de certaines pistes, certaines touches ci et là, n'est pas sans rappeler, par certains aspects, l'oeuvre de Red Krayola, non dans le son mais vraiment dans la façon d'aborder les titres (le début de "Haeta").
Certains titres sont assez éprouvants à l'image des oppressants "Ozymandias" et "Vortices" mais les plus électroniques "From The Outside" / "To The Inside" compensant aisément, on pourra également recommander le disque aux claustrophobes.

Fans de Koschmiche Music ou simples néophytes, Remember I Was Carbon Dioxide est à la fois une excellente entrée en matière vers ce style si exigeant qu'est le kraut mais également l'album le plus abouti de Camera à ce jour.
N'ayons pas peur de le dire, ce disque s'impose au fil des écoutes comme un classique du genre.
Tout simplement parfait.

Frank

Tracklisting :
01-From The Outside (4:40)
02-Parhelion (7:03)
03-Synhcron (4:24)
04-Roehre (4:09)
05-4PM (1:42)
06-Haeata (5:08)
07-Ozymandias (6:12)
08-To The Inside (4:41)
09-2AM (1:40)
10-Trophaee (5:59)
11-Vortices (5:57)
12-Hallraum (3:47) 

Audio et vidéo :




5 mars 2014

White Manna - Dune Worship (2013)

Après les Cosmonauts qui ont marqué les esprits (enfin les notres) avec Persona Non Grata, c'est un autre groupe californien adepte des boucles chères à Spacemen 3 qui fait son retour. Je veux bien entendu parler de White Manna qui avait sorti un solide premier album homonyme en 2012.
Si les références du premier album son toujours présentes (héritage Spacemen 3 mâtiné d'éléments space rock et krautrock), ce Dune Worship bascule complètement vers le rock kosmische quelque part entre Hawkwind et Can. Dans un créneau où les groupes sont légion, opter pour un virage plus krautrock constitue en soit une bonne idée et un défi de taille.
Un pari au final quasi remporté haut la main par nos californiens.

En effet, si l'ensemble ne manque pas de personnalité, le côté parfois très monolithique gêne quelque peu. C'est simple, une fois l'album écouté, on peine à en ressortir un titre plus qu'un autre. Si pour d'autres disques cet aspect des choses peut constituer un avantage, dans le cas de ce Dune Worship, un peu de variété eut été appréciée.
Pour autant, si l'on accepte l'immersion nécessaire pour apprécier cet album, ce Dune Worship reste un très bon disque qui confirme tout le bien que l'on pensait du groupe au moment de la sortie de son prédécesseur.

Chaque face se compose de la même manière : trois titres, des morceaux de plus en plus long, chaque face se terminant par un morceau épique dans la grande tradition du genre, bien mis en place et amené par les deux titres qui le précède.
Enfin, bien amené, tout est relatif puisque White Manna ne perd pas vraiment de temps en route : "Transformation" et "Ascension" démarrent ainsi pied au plancher. "X-ray" et "I'm Coming Home", plus contemplatifs, permettant eux de mettre en avant chaque final.
"Illusion Of Illusions", à base de boucles, prolonge le côté contemplatif, une piste en apesanteur qui n'exclue pas une bonne dose d'anxiété. A l'écoute de ce titre, on ne se sent pas dans une situation confortable, le titre prenant au fil des minutes des allures de BO d'un bad trip.
"Solar Returns", a contrario, est LA piste épique de l'album, celle sur laquelle les White Manna laissent le plus parler leur côté space rock, assumant l'héritage hawkwindien comme peu de groupes avant eux.

Un très bon disque.

Frank


2 janvier 2014

Persons – Hipnosis Casa (2012) / Ghettoblaster (2013)

En ce qui me concerne, les Doors sont une sorte de lampadaire dans la nuit, sur lequel je viens buter comme un insecte ailé obnubilé par la lumière artificielle. Aussi, dès que j'entends parler de rock avec un orgue, je me frotte les mains tant j'affectionne cet instrument.
Persons a peu à voir avec les Doors, si ce n'est le « teclado ». Fort de deux LP en deux ans, ce jeune groupe madrilène trace sa route dans un décor bigarré où s'entremêlent pop, rock, kraut et funk.

Commençons par Hipnosis Casa, leur premier essai, paru en janvier 2012 sur Nevada Records.
Saupoudré de petits sons électro, ce disque démarre avec "Tetris", une piste instru multicolore, suscitant immédiatement l'envie de l'écouter une seconde fois. Puis c'est le tour de "V2" et "Calypso", deux titres où la voix calme et assurée de Juan Salamanca (également aux claviers) s'impose sans en faire trop, un chant en espagnol qui se marie parfaitement à l'humeur onirique du disque. Le reste de l'album est à l'avenant, finement produit. Le soufflé retombe quelque peu en dernière partie avec "Carl Sagan" et "Nevada", mais notons l'excellent "Fuego" qui vient conclure cet album attachant.

Le second LP, Ghettoblaster, est sorti en septembre 2013 et l'on perçoit désormais des influences dub ("Volar un Día") et surtout kraut ("Monos Lobos"), ce qui n'est pas pour me déplaire, loin s'en faut. Le disque démarre par "Anadonda", un titre aux sonorités seventies en diable, nous entraînant dans un crescendo qui finit dans une explosion de guitares et de claviers. Sans citer l'intégralité des pistes, notons les superbes "Ojos de León", "Colegio Europa" ou bien encore "Nikola Tesla". Ghettoblaster est un album où la rythmique est martelée, joyeusement hypnotique, baignant dans une atmosphère de trip acidulé. Une belle réussite.


En conclusion, un groupe espagnol à suivre, dont les vinyles mériteraient fort une distribution dans l'hexagone. Gageons que ces madrilènes prometteurs en ont encore sous le pied et souhaitons leur de rencontrer le succès.

Rick.

Hipnosis Casa : Tetris/ V2/ Calypso / Pistolas / V1 / Escalada de terror / Corredor de fondo / Carl Sagan / Nevada / Fuego / bonus track

Ghettoblaster : Anaconda / El hueco/ Ojos de león / La Luz/ Ley Marcial / Colegio Europa / Volar un día / Nikola Tesla / Monos Lobos

Les deux disques sont en écoute sur bandcamp :






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19 mars 2013

Föllakzoid - II (2013)

Il y a parfois du bon dans la mondialisation. Prenez Föllakzoid, du  krautrock chilien signé sur un label new yorkais, Sacred Bones ! On aurait  été particulièrement déçu de ne pas avoir l'occasion de jeter une oreille
sur l'oeuvre du groupe (surtout que la sortie de leur premier album nous  avait échappé).

A ce propos, la présentation du groupe sur le site de Sacred Bones vaut des  points : "They believe that there is some sort of gravitational force that  makes South America able to dialogue directly with other places, times, and  dimensions" !!!

Remarquez, cela colle assez bien avec le cocktail proposé par le quatuor, du  kraut dans son volet le plus space rock et synthétique, assez proche de la trance. Les guitares ne sont là que pour épisodiquement faire monter la  sauce, lier l'ensemble et relancer la machine.

La voix, très en retrait, est presque inaudible. Il nous a même fallu un  moment pour déterminer qu'il chantait effectivement en anglais...

Ce chant, ou devrait-on dire cette psalmodie, ainsi que le rythme très syncopé, ne sont pas étrangers à cette sensation de langueur qui étreint l'auditeur à la  première écoute de ces pistes qui oscillent entre six et douze minutes. Tout comme on peut avoir l'impression d'assister à un spectacle de sons et  lumières ... sans lumières.

L'expérience musicale à laquelle nous convie Föllakzoid nécessite un certain état d'esprit et surtout  un contexte particulier d'écoute. Pas le genre d'album à mettre en fonds sonore dans une soirée mais plutôt à écouter seul, de préférence au casque.

Le charme, la magie même, des compositions est à ce prix. Dans le genre, ce deuxième album du groupe sonne comme une belle réussite.

Pour public averti.

Frank
Tracklisting :
01-Trees
02-9
03-Rio
04-99
05-Pulsar

En écoute ici :

13 mars 2013

Camera - Radiate! (2012)

Comme pour le psychedelic drone cher à Spacemen 3, le krautrock a le vent en poupe depuis quelques années, que ce soit par la grâce de musiciens inspirés remettant le genre au goût du jour (Cf : les excellents Cave sur Neverendless) ou comme ingrédient pour doper quelques compositions (voir le Woods de  "Out Of The Eye" et "Sol Y Sombra" sur Sun And Shade).

Au prix de l'album kraut de 2012 qui nous aura le plus emballé, Camera l'emporte haut la main. Enregistré live par ce trio d'allemand, Radiate est une très belle surprise.

Tissant un univers très sombre, le groupe alterne avec bonheur plages atmosphériques plus space rock (le spectre d'Hawkwind n'est jamais très loin) et cavalcades kraut.

Mieux, le groupe agrémente son cocktail de quelques gimmicks propres au stoner : roulements de batterie et riffs de guitares incisifs sont ainsi de la partie.

Et c'est ce qui fait de Radiate un excellent disque, le trio puisant aux origines du genre sans se laisser enfermer dans une formule répétitive (si tant est que l'on puisse dire cela d'un disque de kraut bien sûr) : Amon Duul, Neu et Hawkwind posent les bases mais le groupe arrive à créer une dynamique propre. Camera n'est pas que le rejeton des groupes susnommés, il appose sa patte, se crée un style. L'enregistrement live de l'album répond à cette logique : en transposant sur disque l'énergie et la part d'improvisation inhérentes à leur prestations scéniques, le trio berlinois montre qu'il n'est pas un succédané du passé.

Le contrepoint : c'est un album varié mais massif, sombre et tourmenté qui demande un peu de temps et un certain état d'esprit pour en apprécier les multiples facettes.

Adoubé par Michael Rother (Neu!) et Dieter Moebius (Cluster), Camera semble s'ouvrir les portes vers un avenir radieux.

Frank

Tracklisting :
1. E-Go
2. Villon
3. Ausland
4. Lynch
5. Utopia Is
6. RFID
7. Soldat
8. Morgen







Un groupe qui en veut (capté en 2011) :

15 septembre 2011

Cave - Neverendless (2011)

On doit bien le dire on ne savait rien du groupe Cave avant la sortie de ce Neverendless, nouvel album du groupe, le troisième depuis 2007 toujours chez Drag City. On a même jamais écouté le moindre morceau du quatuor venu de Chicago. Et pourtant le groupe vient de livrer l'un des OVNI musicaux de l'année (avec le dernier Human Eye mais ça c'est pas une surprise). Quasi instrumental, l'album se compose de cinq pièces, d'une durée allant de 4 à 14 minutes ! Les compositions du groupe se caractérisent tous par une lente montée en puissance, le groupe prenant le temps de poser chaque instrument, le tout emballé par des rythmes hypnotiques passées en boucle. Le mélange doit énormément au mouvement krautrock.
Sur "WUJ" qui ouvre l'album Cave sonne comme si les Spacemen 3 avaient adopté les préceptes de Neu! : une boucle omniprésente, des structures répétitives... Une atmosphère particulière et prenante se dégage du morceau qui à l'approche des trois minutes sur les 7 que dure le morceau prend une dimension plus rock avant d'exploser dans son dernier tiers à la manière justement des Spacemen 3. La mise en place parfaite, le fait que le groupe maîtrise parfaitement son sujet font qu'à aucun moment l'auditeur n'éprouve la moindre lassitude. Bien au contraire, par un break, un changement dans la frappe, une variation dans un riff, le groupe arrive toujours à relancer la machine. 
"This Is The Best" va encore plus loin dans le côté lancinant. Le morceau plus électronique, et le plus long du disque (14'16"...)  repousse les limites et prend une dimension quasi épique.
Ces deux titres, magistraux, laissent exsangue. C'est pourquoi le groupe malin propose avec "Adam Roberts" un titre plus calme presque bucolique. Ce titre (qui finalement apparaît comme une belle introduction pour le suivant) et "On the Rise" aux accents velvetiens permettent à la fois à l'auditeur de se remettre de la claque occasionnée par les deux premiers titres et en même temps d'élargir la palette musicale du groupe. Même si ces deux titres, apparaissent à l'évidence comme les moins bonnes du disque, elles sont a contrario indispensables à la tenue et au rythme du disque qui aurait été certainement moins bon si les Cave avaient persévéré dans la même voie que les deux premiers morceaux.
La fin de "On The Rise" qui ramène progressivement vers les ambiances du début d'album, cède finalement la place à "Oj", piste cette fois ci purement krautrock qui évoque tour à tour Amon Duul II, Can et Kraftwerk pour un résultat une nouvelle fois admirable.

Dans un genre où très peu de groupes s'aventurent désormais, Cave réussit le tour de force de surprendre et d'enthousiasmer avec un disque à la fois minimaliste et d'une grande richesse musicale et mélodique. Ce n'est pas là le moindre des paradoxes de ce Neverendless qui fait partie des tous meilleurs disques qu'ils nous aura été donner d'entendre cette année.

Frank

L'album sortira le 19/09.

Tracklisting :
1-WUJ
2-This Is The Best
3-Adam Roberts
4-On The Rise
5-OJ

Vidéos :