20 octobre 2016

Qualité Made In France - Acte XVII (Montreuil, comptoir et grande oreilles...)

Gommard - Live in MonStreuil (2016)

Gommard. LE Gommard...
Pour les plus experts d'entre vous, il évoquera irrémédiablement le nom du chien d'un des musiciens. Pour les plus mélomanes (et éventuellement alcooliques), il évoquera des soirées inoubliables dans des bars comme le Chinois, le Café des Sports, l'Armony, le Comedia... où la scène montreuilloise faisait ses armes et défendait chèrement son territoire (face aux fermetures administratives et pressions diverses...).
Les 6 comparses ne sont pas inconnus de nos services: des informateurs bien placés, certains ayant déjà des cheveux blancs, suivent leurs faits et gestes depuis longtemps. Concerts dans des bars, des squats... De véritables "serial players" comme disent certains. Tendance "rhytm'n blues et rock'n'roll qui auraient plu à des punks" si vous voyez ce que je veux dire, ils n'ont d'ailleurs pas peur de faire des reprises de pépites oubliées.
Voyez le tableau: Kik (chant, harmonica), Eric (batterie), Bob (basse), et le trio Maxime-Pierrot-Bruno pour le braquage guitaristique! Se sachant recherchés par nos plus fins limiers, ils ont tardé à sortir un disque, mais ont fini par  enregistrer cet album en 2 sessions live à l'Armony en janvier dernier. La pochette sérigraphiée est magnifique... et s'échange sous le manteau pour des sommes faramineuses d'après nos indic'.
Au programme parmi les 10 titres, de belles reprises aussi bien en anglais qu'en français: "Teenage Head" (Flamin Groovies), "Preachin' the blues" (R. Johnson / Gun Club / Solead Brothers), "Les révoltés du bloc G" (OTH)... mais aussi des titres plus personnels avec "Les Zomatoufaire" ou encore "Y a du baston dans la taule" (un véritable hymne à lui tout seul!). Ce dernier titre rappellera également des mauvais souvenirs aux plus anciens d'entre nous, notamment la 1ère page du "Parisien" d'avril 1986: "Montreuil: 200 punks attaquent la police"...
Ne pouvant terminer mon exposé sur une note aussi négative pour nos services, je vous rappelle que ce disque est une valeur sûre sur le marché noir de la galette vinyle, "un petit bijou brut de contrebande" aux dires des locaux. Donc, priorité absolue lors de vos prochains contrôles chez les disquaires parisiens!




PS: L'auteur de ces lignes est aussi membre du label associatif "Mauvaise Foi Rds" (en co-production avec le Gommard pour ce live), vous voilà donc informé(e) et aucun manque de transparence ne pourra ainsi nous être reproché. Notez quand même que vous pouvez accéder à notre page de doléances/recours administratifs en faisant un clic gauche sur votre barre d'adresse, puis en appuyant sur "alt"+"F4".


Johnny Montreuil - Narvalo City Rockerz (2015)

Il n'y a que la banlieue montreuilloise pour permettre l'alchimie nécessaire à l'émergence de Johnny Montreuil!
Les 5 membres du groupe ne sont pas des minots nés de la dernière pluie, plutôt des canailles rappelant l'époque où les épithètes "prolo", "manouche", "rital", "gadjé", "marlou" roulaient sur le pavé, entre les lèvres d'une population hétéroclite et fière de son travail ouvrier.
Ces gars-là ont vu du pays, vécu 100 combats et galères, écouté et dansé sur 1000 choses. Rien que sur l'étiquette, le mélange était de bonne augure: guitare électrique (Rön), harmonica (Kik), contre-basse (Johnny), mandoline/violon (Géronimo), piano et batterie (Tatou). Le français est largement teinté d'argot, d'arabe...
Imaginez, écoutez, ces 8 pistes qui s'entrecoupent dans des styles différents: ballade nocturne ("Oh Liège"), complainte ("Le cœur qui saigne"), revendication d'une forme de résistance et de liberté (le countrysant "Devant l'usine", "Par les toits"), ou encore clin d’œil goguenard moderne à l'alcoolisme (les hoquets de "Bois de l'eau") ou aux poinçonneurs (la perle de "Wesh leur-leur"). Tout ça pour donner une identité incroyable à cet album, témoignage supplémentaire d'une diversité que d'autres préfèrent ignorer. Sur ce disque, les 5 comparses de Johnny Montreuil sont bons, très bons même... Et puis, on a aussi une certaine idée de leur travail "en famille" avec les invités tels que Gigi Pantin ("Bois de l'eau"), Rachid Taha ("L'amour aux balcons")...
Dernière chose à noter, la "spéciale dédicace" de cet album est pour Schultz (le fameux boss de la Clinik du Dr Schultz, le membre de Parabellum, des Tontons flingueurs et bien d'autres...) disparu en 2014 et auquel la scène montreuilloise continue de rendre un hommage vivant, légitime et appuyé.
Bref, ce n'est plus de "l'échantillon de la scène locale" pour journaleux là, mon bon m'sieur! C'est du concentré de bars, de l’élixir du meilleur pinard, de la 1ère pression de ricard! Bon. Autrement, c'est pas tout ça mais il boit quoi le monsieur?



John The Revelator

15 octobre 2016

Et Pour Quelques 45 De Plus - Acte VI

EMBROOKS - NIGHTMARE / HELEN (2016)

Plus de dix ans que l'on attendait le retour des Embrooks...
C'est peu dire que c'est avec beaucoup d'émotions que l'on a posé ce nouveau single des auteurs de l'incroyable Yellow Glass Perspections, sommet du garage rock sorti en 2004. Un classique qui dépasse d'ailleurs le simple monde du garage.
Et le moins que l'on puisse dire c'est que Mole, Alessandro Cozzi Lepri et Lois Tozer font un retour en grande forme avec deux nouvelles pépites "Nightmare" et "Helen", qui reprennent là où on les avait laissé : dans une bulle spatio-temporelle bloquée en 1966 (les Who et autres Creation constituent toujours des influences majeures du groupe).
Un 45T à se procurer d'urgence.
On espère maintenant simplement que cela ne soit pas qu'un one shot, et qu'un album est en préparation. Les Embrooks nous ont terriblement manqué.




PINK SLIP DADDY - GOOD HARD ROCK (2016)

Puisque l'on en est à évoquer des retours, signalons celui des Pink Slip Daddy, de Palmyra Delran et Mick Ferguson, groupe américain eighties qui a eu son heure de gloire au début des années 90 et a signé un album recommandable chez Sympathy For The Record Industry (Rock Damage & Other Love Songs en 1994).
Après une carrière en dents de scie, faits de splits et de reformations, on était sans nouvelle depuis un single il y a quelques années.
Et c'est Kizmiaz Records qui rappelle à notre souvenir le combo qui sort de sa retraite avec un 45 à l'ancienne, du bon rock and roll old school, à l'image du bien nommé "Good Hard Rock".
"Bristol Stomp" et "Outskirts" en face B, poursuivent l'effort dans la même veine d'un pub rock jovial et séminal.




JACUZZI BOYS - HAPPY DAMAGE (2015)

Puisqu'on en est à rattraper le temps perdu, il est plus que temps d'évoquer un superbe EP sorti l'an passé et que l'on doit aux Jacuzzi Boys. Il fallait que l'on parle absolument de ce disque et ce pour de nombreuses raisons.
Tout d'abord parce que leur troisième album sorti en 2013 était une vrai sortie de route, le genre de disque à oublier, alors que ce Happy Damage est une vraie bouffée d'air frais, un disque jouissif, tout ce que l'on était en droit d'attendre du groupe.
Ensuite parce que le morceau-titre est sans doute le titre que l'on a le plus écouté l'an passé. Un hit absolu. Sur ces six titres, les Jacuzzi Boys, en grande forme, y dévoilent toutes leurs influences, font montre d'une vraie sensibilité powerpop sans jamais rompre avec leur côté nineties qui fait tout le sel de leurs précédents enregistrements ("Sun" présente quelques proximités avec l'oeuvre des Pixies).
Enfin, ultime raison, très prochainement le groupe devrait sortir un nouvel album que l'on espère du même tonneau.
Croisons les doigts.



WAHYAS - THIRD EYE / POLARIZED VISION (2016)

Poursuivons dans les oublis avec la sortie en début d'année, en coprod Six Tonnes De Chair Records / Shipwrecked Records de ce 45T des Wahyas, duo venu de Caroline Du Nord et composé de Joshua Johnson et Lindsay Sprague. Formule minimaliste donc, guitare / batterie, au service d'un garage rock particulièrement acéré et addictif.
Sur "Third Eye", Lindsay prend les refrains, le fait que les deux chantent sur les couplets apporte une réelle plus-value mélodique à l'ensemble.
On est particulièrement curieux d'entendre ce que le groupe proposera par la suite.



MAIORANO AND THE BLACK TALES – DECONTROL / NOT MELLOW ANYMORE (2016)

L'année dernière on vous avait présenté un album de rock and roll old school, venu d'Italie, le très bon Everything Boom d'Alex Maiorano And The Black Tails.
Les gars ont remis ça le temps d'un single, toujours sur le label allemand Off Label records (on en change pas une équipe qui gagne), qui prolonge le plaisir pris à l'écoute de l'album.
"Decontrol" et "Not Mellow Anymore" ne sont pas des chutes de l'album, vite assemblées en un single pour occuper le terrain mais bien deux titres qui ne dépareraient pas sur Everything Boom.
Juste la marque d'un groupe généreux.



16 août 2016

Magic & Naked - Magic & Naked (2015)

Un peu comme de mauvais écoliers obligés de se fader des devoirs de vacances,  l'été est souvent l'occasion à rawpowermag' de se replonger dans des disques que l'on pas eu le temps d'approfondir... La différence notable avec nos chérubins c'est que l'exercice est tout sauf une plaie.
Mais revenons à nos moutons, au cas présent nos helvètes des Magic & Naked puisqu'ils nous viennent de Suisse.
Il eut été dommage de ne pas évoquer en ces lieux la beauté de leur premier album. Beauté  oui. Car tout ce qui sort des instruments de ce jeune groupe suisse n'est que beauté pure.
Mélange de pop indolente, de rythmes psyché lysergique,  les Magic & Naked vouent également un culte à Pink Floyd tant leur influence, baigne, embaume pour rester dans le ton du disque, les compositions du groupe.
"Anna" ou "Pictures Of An Imaginary Desert"  devraient convaincre les sceptiques de l'influence patente des Floyd sur nos suisses.
On pensera également beaucoup au beach goth cher aux Allah-las et autres Growlers comme sur l'impeccable "Emmène Moi" ou encore "Meet Me On The Beach" (décidément un genre très en vogue après l'excellent album des San Antonio Kid).
Remarquablement exécuté (la partie de guitare de "Many Seagulls"), particulièrement bien chanté  ("Reach Me By Phone" / "Anywhere" les deux titres jumeaux qui ouvre et clôt le disque), ce premier album, c'est du miel pour les oreilles. "Will The Air Be Clean" sonnant même, à l'image de son titre, comme une réponse au magicien Jacco Gardner, c'est dire.
Et sur ce disque court (dix titres pour un total de trente trois minutes) les Magic And Naked enfilent les perles, s'appuyant sur la pluralité des styles tout en maintenant une rare cohésion d'ensemble comme sur l'enchaînement entre l'enjoué "The Ship", le lysergique "Meet Me On The Beach" et l'épique "Ghosts", jouant également sur de savants changements de rythmes ou de tons, parfois au sein d'un même morceau.
Le résultat est un album d'une rare richesse dont il est sans doute un peu vain de ressortir tel ou tel titre. Un disque qui s'écoute d'une traite, et dont on multiplie les écoutes pour en saisir toutes les saveurs.
Brillant.

Frank

Tracklist :
01- (If you wish you can) Reach me by phone
02- Emmène moi (aux pyramides)
03- Anna
04- Many seagulls
05- Will the air be clean
06- The Ship
07- Meet me on the beach
08- Ghosts
09- Pictures of an imaginary desert
10- Anywhere

Audio et vidéo :

26 juin 2016

King Gizzard & The Lizard Wizard - I'm In Your Mind Fuzz (2014), Paper Mâché Dream Balloon (2015) et Nonagon Infinity (2016)

Si le rythme de parution sur le blog est devenu quelque peu erratique, on passe encore pas mal de temps à écouter les nouveautés, à défaut de prendre le temps de vous faire partager nos découvertes. Histoire de rattraper quelque peu le temps perdu, nous allons aujourd'hui évoquer le cas King Gizzard & The Lizard Wizard. Un groupe dont on ne se lasse pas depuis des mois d'écouter la discographie, du moins récente (vous allez comprendre pourquoi "récente" dans quelques secondes lecteurs impatients !).
Le groupe se forme à Melbourne en Australie en 2011 et sort son premier album, 12 Bar Bruise en 2012, point de départ d'une discographie pléthorique qui compte à ce jour pas moins de sept albums et un EP !

Il faudra néanmoins attendre la sortie en 2014 sur Castle Face de I'm in Your Mind Fuzz pour que le groupe parvienne jusqu'à nos oreilles. Difficile donc pour nous de nous faire une idée du potentiel déployé sur 12 Bar Bruise, Eyes Like the Sky (2013), Float Along, Fill Your Lungs (2013) ou même Oddments (2014). Grâce en soi donc rendu au label de John Dwyer de nous avoir fait découvrir cet extraordinaire groupe.
King Gizzard & The Lizard Wizard est sans doute la plus belle surprise qui nous a été donnée d'entendre depuis longtemps et I'm in Your Mind Fuzz est une excellente porte d'entrée pour découvrir l'univers du groupe. Un univers où s'enchevêtre rock psyché fin sixties, space rock et kraut dans un mélange à la fois détonnant et hypnotique.
Sur cet album le groupe délivre une vraie leçon de rock and roll et tient la dragée haute avec le meilleur des Oh Sees (pas une surprise si ce disque est sorti chez Castle Face donc).
Les quatre premiers titres s'enchaînent sans temps mort constituant une seule et même pièce qui ravit et laisse exsangue "I’m In Your Mind" / "I’m Not In Your Mind" / "Cellophane" / "I’m In Your Mind Fuzz", c'est du miel pour les oreilles. Rarement on aura été aussi retourné à l'écoute d'un début d'album. Des titres servis par des musiciens impeccables, la palme au bassiste qui tire merveilleusement son épingle du jeu, donnant le la de chaque morceau.
Le hic c'est que ces titres sont d'un tel niveau que l'on a tendance à considérer, lors des premières écoutes, qu'il s'agit d'un disque bancal, qui après un début époustouflant à tendance à s'essouffler. Cela n'est pas complètement faux mais aussi un peu injuste.

"Empty" qui les rapproche de l’œuvre d'un Tame Impala, "Hot Water", réhaussé d'une flûte, qui rappelle les grandes œuvres du krautrock ou l'excellente "Am I In Heaven?" sont d'un très bon niveau également.
S'il on devait émettre une quelconque réserve on la porterait sur les trois derniers titres moins essentiels ("Slow Jam I" ; "Satan Speeds Up" et "Her And I"), qui par leur côté bucolique, tranchent un peu trop avec la tonalité du reste de l'album.

Tracklist : I’m In Your Mind / I’m Not In Your Mind / Cellophane / I’m In Your Mind Fuzz / Empty / Hot Water / Am I In Heaven / Slow Jam 1 / Satan Speeds Up / Her And I (Slow Jam 2)


Dans la foulée de ce disque remarquable, les King Gizzard & The Lizard Wizard ont sorti un EP, Quarters!, un peu curieux, qui nous a quelque peu désarçonné. Quatre titres d'une durée égale de 10'10, quatre jams space-rock, assez vaines, et surtout  assez loin du niveau de I’m In Your Mind Fuzz dont on croirait par instant entendre les ébauches.

Pas à un contre-pied près, et alors qu'après la déception de Quarters! on attendait plutôt un disque en forme de retour aux sources, le groupe propose avec Paper Mâché Dream Ballon... un disque de pop acoustique ! Et le moins que l'on puisse dire c'est que cet album est plutôt réussi.
"Sense" qui ouvre le disque un peu chichement avec sa clarinette dégoulinante colle un peu aux doigts, mais démontre la capacité du groupe à œuvrer à la limite du bon goût. Heureusement la suite est d'un tout autre niveau, et Stu Mackenzie et ses six compères s'y entendent pour offrir une sunshine pop bluffante : "Bone" est le genre de titre qui une fois entendu reste en tête, impossible de s'en détacher, "Dirt" à ce petit truc qui la rend immédiatement attachante ...
Alors certes il faut aimer la guimauve, les guitares un peu chiche, la flûte (omniprésente) et les voix de fausset, autant de prérequis nécessaire pour s'enfiler ce disque étonnant.
Mais avec un peu d'effort, difficile de ne pas aimer des titres comme "Paper Mâché Dream Balloon" qui à la saveur des obscurs disques californiens sixties, "Cold Cadaver", "Time=Fate" ou "Time=$$$" qui vaut bien un Foxygen non ?
Alors comme on a affaire à d'authentiques cinglés, on trouve ça et là quelques titres cintrés qui ont le mérite d'éviter à l'auditeur de tomber dans une certaine torpeur : l'incongrue "Trapdoor", l'excellente "The Bitter Boogie" qui sonne comme une relecture d'un titre de Canned Heat ou "N.G.R.I.".
Même si on préfère le groupe quand il envoie du steak, les entendre déclamer leur pop folk pastoral fait beaucoup de bien.

Tracklist : Sense / Bone / Dirt / Paper Maché Dream Balloon / Trapdoor / Cold Cadaver / The Bitter Boogie / N.G.R.I. (Bloodstain) / Time = Fate / Time = $$$ / Most of What I Like / Paper Maché


Quelques mois après la sortie de Paper Mâché Dream Balloon, le groupe propose un nouvel album. Si le stackhanovisme du groupe est patent, ce Nonagon Infinity n'est pas vraiment la suite de leurs aventures discographiques puisqu'il a été enregistré avant, et constitue à ce titre, en écartant Quarters!, la vraie suite de I'm in Your Mind Fuzz.
Et le moins que l'on puisse dire c'est que l'on est gâté. C'est simple le groupe propose la même recette que sur I'm in Your Mind Fuzz en mieux. Chaque fin de morceau s'enchevêtre dans le début de la suivante donnant l'impression de n'avoir affaire qu'à une longue jam. Le dernier morceau reprenant le début du premier incitant donc à écouter ce Nonagon Infinity en boucle.
Plus lourd que I'm in Your Mind Fuzz, avec par moments une rythmique qui tire vers le stoner, Nonagon Infinity est une franche réussite, gommant les quelques défauts du groupe. Rarement on aura entendu un disque d'une telle intensité et d'une telle richesse, le groupe relançant la machine à de multiples occasions parfois plusieurs fois au sein d'un même titre, avec une frénésie qui laisse exsangue après quarante minutes d'écoute.
Résultat, difficile de ressortir un titre plutôt qu'un autre, Nonagon Infinity, se concevant comme un tout. On citera néanmoins "Robot Stop" qui met sur orbite l'album d'entrée de jeu, "Gamma Knife" pour la variation qu'il apporte à l'ensemble, "Mr Beat" pour son côté hypnotique tranchant avec la décharge "Evil Death Roll" qui lui succède ou encore "Road Train" sorte d'Overkill à la sauce King Gizzard.
Avec Nonagon Infinity, King Gizzard & The Lizard Wizard frappe un grand coup, avec un album en tout point excellent, le summum de leur discographie (du moins pour ce que l'on en a entendu).
Un disque qui a tout d'un classique en devenir.

Tracklist : Robot Stop / Big Fig Wasp / Gamma Knife / People-Vultures / Mr. Beat / Evil Death Roll  / Invisible Face / Wah Wah / Road Train 


En trois albums, King Gizzard & The Lizard Wizard s'impose comme l'un des groupes le plus enthousiasmant du moment. On espère avoir l'occasion de les découvrir sur scène, là où ils doivent pouvoir exprimer au mieux tout leur potentiel.
En attendant on va tenter de creuser plus avant le début de leur discographie.

Frank


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19 mai 2016

Reverend Deadeye - Devil? He's A Liar (2015)

Connu par les plus anciens sous le nom de Brent Burkhart, le Reverend Deadeye a eu une autre vie musicale alors qu'il faisait partie de différents groupes localisés autour de Denver (Nahum, Soul Bender, Bedraggled, Broken Spirits...). D'autres l'auront peut-être remarqué dans trois œuvres cinématographiques: The Folksingers, Hard Soil ou Can't Take It With You When You Die! Le "Reverend" doit surtout sa touche personnelle actuelle à son passé (réel ou fantasmé par certains?) de fils de pasteur revivaliste au sein d'une réserve Navajo dans l'Arizona. Rajoutez à cela une collection de disques hérités des parents et grand-parents, matinée de blues, cajun, gospel, country, old-time..., et vous comprendrez que le personnage a reçu la matière pour se forger un univers musical très personnel.

Ce disque a été enregistré chez Fry Pharmacy Recordings, un studio analogique situé à Nashville (Tennessee), surtout connu en ces lieux pour avoir enregistré l'album "Fry Pharmacy" de Mark Porkchop Holder - un bluesman méconnu que l'auteur de ces lignes place, dans son panthéon personnel, parmi les plus grands: Son House, Fred Mc Dowell, Otha Turner... mais on y reviendra plus tard.

"Won't Be Singin' Blues No More", vaine résolution pour un artiste tel que le Reverend Deadeye, où s'entremêlent le piano et la guitare électrique, est rapidement effacée par le tendu "Anna Lee". Sa reverb', son rythme lent, ses appels sans réponse... témoignent de la perte de l'être cher.
"Underneath The Ground" se rapproche de balades plus country, avec son finger picking à la guitare. Là aussi, l'objet de la chanson est transparent pour l'auditeur: le deuil, l'héritage que celui-ci soit physique (argent, whisky, guitare...) ou spirituel (esprit, "cœur"...). Finalement, la mort y est aussi un peu décrite comme un troc où le mort récolte, entre autres, une "couronne d'étoiles". On n'est plus très loin de certaines balades de Johnny Cash. "Underneath the Ground" est probablement le meilleur titre de cet album.
"When The Hammer Falls" (la sentence, la chute du marteau du juge...?): une mélodie légère sonnant telle une ritournelle pour des paroles introspectives et lourdes de sens. [Les plus chafouins noteront qu'il n'y a aucun lien avec la version de Sammy Hagar, et c'est tant mieux!]
L'alternant "Don't Wanna Go Right" marque un refus de l'appartenance à une congrégation religieuse,  et revendique, de façon désabusée, le fait de vivre seul et libre sans les vices ni les avantages d'une certaine société.
L’irruption de la batterie (Alex Herbert) sur ce simili-boogie "Devil? He's A Liar", titre éponyme de cet album, offre un bon moyen de relâcher la tension accumulée sur les pistes précédentes. Il est à parier que ce titre sonne différemment sur scène, ouvrant la porte à des dérapages rock'n roll.
"Sinner, You Better Get Ready" est une gentille exhortation en comparaison de l'énervée "Wake Up Sinner" dédiée "à l'homme qui dit une chose, mais en fait une autre [...]", où le Reverend nous ramène dans le gospel des choeurs noirs à chaque refrain.
"Get Up", un boogie où une strophe sur deux se termine en hululement perché. Parions que cette prestation rappellera à certains un dénommé Johnny Walker (ô combien apprécié en ces lieux). Le saxophone (Andreas Wild) dérape allègrement sur la section rythmique (Boby Jamison à la basse), les paroles se résument à "Get up! Dont let the world get you down!"... 3'05" et c'est plié!
L'auditeur attentif  ne se laissera pas piéger par la retenue initiale de "Never No More": titre marathon (plus de 10'...), entre le prêche du pasteur et la rédemption du coupable, avec une pause improbable vers 7' (afin de mieux lancer l'ultime étage de la fusée sonore), et qui se termine par 2 notes de guitare incongrues... La fin de set parfaite en réalité.

À l'image du reste de la discographie du Réverend (qu'on vous encourage à découvrir!), l'album "Devil? He's a Liar" est à la fois une réussite et le résultat d'un héritage personnel mélangeant l'essence de plusieurs courants musicaux américains (country, blues, gospel...).

Parions que le Reverend Deadeye est un personnage incroyable à voir en live, et peut-être aussi en interview. Gardons patience jusqu'au Blues Rules où Rawpowermag' viendra faire un tour...

John the Revelator

Tracklist:
Won't Be Singin' Blues No More
Anna Lee
Underneath The Ground
When The Hammer Falls
Don't Wanna Go Right
Devil? He's A Liar
Sinner, You Better Get Ready
Wake Up Sinner
Get Up
Never Nor More

Audio:


Vidéo: extrait de Hard Soil


Site:

Sources:

14 mai 2016

The Cavemen - The Cavemen (2015)

The Cavemen c'est 4 mecs venus de Nouvelle-Zélande avec l'intention manifeste de cracher à la face du monde leur garage rock sans prétention. Leur premier album sorti sur le label 1:12 Records est ainsi un concentré de garage punk pur jus, sans fioritures, un manifeste de rage adolescente.
Il faut entendre le chanteur s’époumoner en éructant des "School Sucks" avec un aplomb et une rage confondante ou asséner sans faire semblant des séminaux "Fuck For Hate".

Ajoutez à ça quelques titres crampsiens ("Rides With The Reich" ou "Mentally Ill" au hasard ...) ou révélateur d'un certain art de vivre ("At The Pub" ; "Drink Driving") et vous obtenez la vrai surprise de ce début d'année, le genre de disque à vous réconcilier avec le rock and roll (si tant est que vous en éprouviez le besoin).
Avec treize titres au compteur, aucun ne dépassant les deux minutes, treize morceaux joués pied au plancher et emplis d'hymnes imparables ("Scumbag", "Fucked In The Head", l'impayable "Rock And Roll Retard" dont on vous laisse déguster les paroles ou encore "Trash Talkin' Paint Huffin' Girl" sorte de "Train Kept A Rollin'" déglingué), ce premier album fait sensation.
Même quand on croit à une accalmie avec l'appoint d'un farfisa tout ne se passe pas comme on l'imaginerait : "Stand By The Ghoul" prend ainsi des allures de train fantôme tandis que "Crime Tonight" produit le même effet que de conduire à 180 km/h les fenêtres ouvertes...

On est ainsi jamais vraiment tranquille sur ce disque qui s'adresse avant tout à nos instincts primaires, réconciliant en une poignée de morceaux l'héritage des Seeds, celui de la bande à Poison Ivy et Lux Interior et la sauvagerie d'un Dead Kennedys.
Fort. Très fort.

Frank

Tracklist :
01- Mentally Ill
02- Fuck For Hate
03- Stand By Your Ghoul
04- Scumbag
05- Rides With The Reich
06- Rock N Roll Retard
07- At The Pub
08- Fucked In The Head
09- Drink Driving
10- School Sucks
11- Crimes Tonight
12- Glass Breakfast
13- Trash Talkin' Paint Huffin' Girl

Audio et vidéo :

25 février 2016

The Mantles - All Odds End (2015)

Les Mantles aiment prendre leur temps. Si quatre ans séparaient leur premier album de l'excellent Long Enough To Leave, il aura fallu attendre deux ans pour pouvoir écouter, All Odds End son successeur.
Au vu de la qualité des précédents enregistrements du groupe, on ne va pas vraiment s'en plaindre.
A la première écoute on sera rassuré de constater que le groupe n'a pas changé grand chose à sa formule et qu'ils la maîtrisent toujours à la perfection. Toujours cette délicieuse indie pop jangly à mi chemin entre le Paisley Underground et les groupes du label Flying Nun qui ravira celles et ceux qui avaient succombé à la puissance mélodique de Long Enough To Leave.

Pour autant, en prêtant l'oreille on constatera ça et là quelques changements.
A la production le travail de Jason Quever donne une coloration plus eighties qui les rapproche quelque peu, en moins décalé, des Sonny And The Sunsets (Carly Putnam en profite pour prendre toute sa place au sein du lineup).
Ensuite, Michael Olivares occupe cette fois seul le chant, point de voix en écho de la part de Virginia Weatherby. Résultat le chant se fait moins distancié, plus percutant si tant est que cela est un sens quand on parle du timbre d'Olivares.
Tous ces éléments finalement pas si anodins concourent à faire de ce disque un album plus immédiat que son prédécesseur, un album qui tourne régulièrement sur nos platines avec un plaisir sans cesse renouvelé.

Introduit par un tube en puissance ("Island"), All Odds End regorge de pépites en tous genres dans des styles assez variés.
Après avoir enquillé deux autres titres tambour battant ("Lay It Down" ; "Police My Love"), le groupe pose ainsi un "Hate To See You Go" basse en avant du plus bel effet (tenue par le nouveau venu Matt Bullimore), avant de prendre ses aises sur "Lately" très belle ballade acoustique annonciatrice d'un tournant. Le disque multiplie ensuite les pistes plus mélancoliques, avec la même aisance ("Doorframe" , "Undelivered", "Best Sides").
"Stay" reprend des couleurs et conclue l'album sur une note plus catchy.

Au final, si on fait la fine bouche, ce disque n'a qu'un seul réel défaut : sa durée. Le plaisir d'écoute est telle qu'on aurait aimé en écouter plus.
Croisons les doigts pour que l'on ne soit pas obligé d'attendre deux ou quatre ans pour écouter les nouvelles aventures du groupe.

Frank

Tracklisting :
1-Island
2-Lay It Down
3-Police My Love
4-Hate To See You Go
5-Lately
6-Doorframe
7-Time To Come Away
8-Undelivered
9-Best Sides
10-Stay


Audio et vidéo :