2 septembre 2015

You are the one - Nathaniel Mayer (2007)

"La forme d'une ville / Change plus vite, hélas ! que le cœur d'un mortel" déplorait le poète arpenteur de pavés.
N'en déplaise à l'auteur des « Tableaux Parisiens », l'histoire de Nathaniel Mayer semble parfaitement se confondre avec celle de sa ville natale : le Détroit des années quarante à deux mille.
Naissance dans une ville en plein essor, forte de son immigration noire des États du sud qui vient alimenter les industries florissantes. Mort en 2008 dans cette même ville dont le million d'habitants disparu hante des lieux en friches.
"You are the one", une chute posthume des derniers enregistrements de Mr Mayer, pourrait sembler naïve et banale, voire un peu mièvre. Enregistrée quelques mois avant sa mort, elle s'écoute en pensant aux cinquante ans qui l'ont fait naître.

"You are the one", ce chant du cygne, contraste fortement avec le succès qui a lancé sa carrière en 1962 : "Village of love" , signé par le fameux petit label de Jack et Devora Brown, Fortune Records. Nathaniel, jeune canaille de 16 ans, a dénigré les avances du nouveau label Motown en prétextant préférer devenir joueur de base-ball, pour finalement signer chez les Brown.
Le son brutal et authentique que produisait ce petit studio recouvert de boîtes d’œufs vides situé sur la troisième avenue à Détroit, permit au jeune Nathaniel Mayer d'assouvir toutes ses audaces sonores.
"Village of love" : une ballade romantique ? Une voix de baryton basse, intensifiée lors de l’enregistrement, balance les premiers mots et va ponctuer les cris de Nathaniel redoublés par les plaintes d'une guitare au solo abrupt. Ce sera le plus gros succès du catalogue de Fortune Records.

La collaboration avec Nathaniel Mayer durera officiellement jusqu'en 1968, peu après les émeutes raciales qui ont ravagé la ville et ses commerces. Fortune Records ne pourra survivre au déclin inéluctable mais Janice Brown, la fille de Jack et Devora aidera le protégé de Fortune à enregistrer sur son petit label californien Love Dog Records, un titre "Super Boogie", en 1980, heureusement méconnu. Puis Détroit et son histoire rattrapent the Nay Dog, encore une fois : les gangs, la drogue et l'alcool vont avoir raison de lui jusqu'en 2002.

Cette année-là, il réapparaît en créant l'événement lors d'un show organisé en hommage aux légendes soul de Détroit. A cinquante-huit ans, dans un costume blanc étincelant, il soigne son retour : le jeune vétéran imite audacieusement le jeu de jambes de James Brown. Sa voix est devenue celle d'un vieux loup de mer, rocailleuse, profonde et puissamment fragile.
2002 va marquer son grand retour. Parallèlement, un nouveau maire est élu à Détroit, laissant croire à un possible changement. De vieux bâtiments commencent à être réhabilités et des lofts d'artistes voient le jour dans les buildings désaffectés. Mais en 2008, ce maire providentiel, impliqué dans de nombreuses affaires de corruption doit démissionner.
C'est aussi cette année-là que Mr. Mayer tire le rideau après avoir enchaîné tournées et enregistrements depuis cinq ou six ans entre deux attaques cardiaques.

"You are the one" inaugure la deuxième face de son album posthume Why don't you let me be black ? sorti en 2009 chez Alive records. Ce disque est essentiellement constitué des chutes des fameuses sessions d'enregistrement de l'été 2007 dont le meilleur aurait été regroupé sur l'album précédent Why don 't you give it to me ? sorti la même année chez Alive. Le meilleur ?
Sur cet album de chutes, on retrouve des musiciens à la hauteur de la légende détroitienne : Matthew Smith (Outrageous Cherry et homme de l'ombre qui a contribué à l'émergence des meilleurs groupes de Détroits des années 2000 à nos jours) , Dan Auerbach (Black Keys) , Troy Gregory (Dirtbombs, The Witches) , Dave Shettler et Tim Boatman (SSM et The Sights).
La pochette est un clin d’œil ironique à la France, on y voit The Nay Dog posant fièrement devant la tour Eiffel et arborant un petit béret noir. Il ne manque plus que la baguette sous le bras.
Le titre "Why don’t you let me be black ?" est une question qu'il aurait adressée, lors d’une tournée européenne, aux gens de l’équipe qui gérait ses repas, excédé d’avoir toujours, en guise de collation, d' innombrables plateaux de fromages. Mis à part le côté anecdotique de la pochette, ce disque est une véritable pépite.
"You are the one" est l'un des deux seuls titres acoustiques que l'on trouve dans sa discographie. Il a été enregistré lors d'une émission de radio en 2007. Matthew Smith, l'un des artistes les plus importants et des plus méconnus de Détroit, l'accompagne sobrement. Sa guitare sèche met en valeur la voix éraillée de Nathaniel Mayer qui monte à la recherche du falsetto perdu.
Plus de ténor ni de baryton à ses côtés mais quelques accords légers et la voix dévouée de Matthew Smith qui soutient des trilles gravement chevrotants.
Les paroles de cette ballade romantique se veulent aussi simples et naïves qu'une ballade de "Please Please me" : "You are the one, I really love. Little girl, little girl... Please be mine..." mais il semble bien difficile de les écouter sans penser, une dernière fois, à celles du chant de ce fameux cygne baudelairien égaré, qui ne reconnaît plus sa ville en pleine mutation : "rien dans ma mélancolie /N'a bougé ! (…) tout pour moi devient allégorie / Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs."

Laetitia de Fuzz

"You Are The One" :




Pour compléter :
 -L'album des sessions de l'été 2007, sorti en 2008 chez Alive Records : "Why don't you give it to me ?"




 - L'anthologie (2XLP) de ses titres sortis chez Fortune Records, merveilleusement édités par Vampisoul en 2006 : "(I want) Love and affection (Not the house of correction)"

27 août 2015

Rocket From The Crypt - Group Sounds (2001)

L'an passé quand est venu l'idée, durant l'été, de faire une série de papiers sur des disques des années 90, il était implicitement convenu que l'on évoquerait les Rocket From The Crypt. Le manque de temps nous en a malheureusement empêché. Un an plus tard il convenait de réparer cette erreur.

Il faut dire que le groupe formé par John "Speedo" Reis en 1990 a largement contribué à secouer le cocotier rock and roll avec une foi inébranlable à une époque où si on passait pas sur MTV on avait peu de chances de percer.
Les Rocket From The Crypt, originaire de de San Diego, ont ainsi avec d'autres (la scène de Memphis avec Cartwright ou la scène de Detroit qui prendra le relais) porter haut le flambeau d'un rock sans concessions et profondément sincère.
Non, pour nous évoquer Rocket From The Crypt était une évidence. Restait à choisir le disque que l'on souhaitait mettre en lumière. Scream Dracula Scream (1995) ou RFTC (1998) ? Et puis finalement on a choisi ce Group Sounds sorti chez Vagrant en 2001.
Bon du coup c'est plus vraiment un disque nineties me retorquera le lecteur attentif ? Oui c'est vrai... mais à vrai dire on s'en fout un peu.

Si le groupe a associé très tôt des cuivres à son punk and roll sous haute tension (dès Circa : Now! en 1992), c'est sur ce disque que le cocktail atteint son apogée. On peux avec raison lui préférer l'abrasif Scream Dracula Scream mais ce Group Sounds résonne encore aujourd'hui comme un excellent disque, le meilleur exemple d'un disque réussissant à marier cuivres et rock and roll avec le Prehistoric Sounds de The Saints.
Sur ce disque John Reis est accompagné de ND (aka Andy Stamets) à la guitare, Petey X (aka Pete Reichert) à la basse, Apollo 9 (aka Paul O'Beirne) au saxo, JC 2000 (aka Jason Crane) à la trompette et Ruby Mars (aka Mario Rubalcaba) à la batterie. Ruby Mars dont c'est le premier album avec le groupe en remplacement du démissionnaire Atom (aka Adam Willard).

Group Sounds est un album massif, les titres s'enchaînant sans réel temps mort et sonne comme une mise au point à l'heure où le rock va de nouveau frémir sous les coups des White Stripes ou des Strokes. John Reis, entertainer de génie, et sa bande sont là pour rappeler qui sont les patrons.
13 titres pour un album de 35 mn, 11 shoots de rock and roll old school joués comme si la vie des musiciens en dépendait et deux titres plus mid tempo "Dead Seeds" et "Ghost Shark" surprenante ballade enrichie de la présence au piano du légendaire Jim Dickinson.
Pour le reste des titres comme "Straight American Slave", "Carne Voodoo" , "Return Of The Liar", "Heart Of A Rat", "S.O.S.", "This Bad Check Is Gonna Stick", sont à ajouter à la longue liste des réussites du groupe.

Frank

Tracklisting
01- Straight American Slave
02-Carne Voodoo
03-White Belt
04-Out of Control
05-Return of the Liar
06-Heart of a Rat
07-Venom Venom
08-Savoir Faire
09-S.O.S.
10-Dead Seeds
11-This Bad Check is Gonna Stick
12-Spitting
13-Ghost Shark

Audio et vidéo :







4 juillet 2014

Comets On Fire - Blue Cathedral (2004)

Dans la série des héros oubliés, les Comets On Fire valent des points. Qui se souvient du groupe ? Qui a simplement vu leur nom évoqué si ce n'est au détour de quelques lignes à droite et à gauche ?
Cet anonymat qui entoure le groupe laisse pensif. Comment un groupe de cette qualité a-t-il pu échapper au plus grand nombre ? Si le groupe a enregistré ses premiers albums sur Alternative Tentacles (label de Jello Biafra) et Ba Da Bing Records, ce Blue Cathedral, troisième album studio est tout de même sorti chez Sub Pop !
L'approche expérimentale, cette volonté de ne rentrer dans aucune catégorie a sans doute joué, empêchant au groupe de gagner en renommée.

Et pourtant quel grand disque ! Riffs heavy, sons noisy, passages space rock à la Hawkwind et un don pour le contre-pied et la déconstruction à mi-chemin entre Sonic Youth et les Butthole Surfers, le cocktail singulier proposé par les Comets On Fire fait des étincelles !

D'entrée de jeu, le groupe, que l'on sent sûr de sa force, envoie l'épique "The Bee And The Cracking Egg" aux riffs littéralement telluriques, un titre qui au bout de ses sept minutes laisse (déjà) exsangue. Heureusement, "Pussy Foot The Duke" qui fait la part belle au clavier permet de se remettre quelque peu avant un "Whiskey River" qui se met en place à la manière d'un Jack Meatbeat, quelques notes égrenées avant que le maelström sonore ne se mette en place...
Le disque regorge ainsi de morceaux de bravoure proprement hallucinant comme le malsain "The Antler Of The Midnight Sun", constamment dans le rouge ou ce "Brotherhood Of The Harvest" qui se plaît à brouiller les pistes, tout à la fois bancal, intrigant et vénéneux à souhait. A peine un intermède plus folk "Wild Whiskey",  et on est reparti avec un nouveau titre fleuve, "Blue Tomb" clôturant l'album de fort belle manière, sorte de bande son d'une odyssée spatiale.

Ce Blue Cathedral est un must have qui ravira tout à la fois les amateurs de rock high energy et les fans de Timmy Lampinen (Human Eye / Timmy's Organism) qui se retrouveront dans ce disque hors norme.


Frank

Tracklisting :
1-The Bee & the Crackin’ Egg (7.45)
2-Pussy Footin’ the Duke (5.06)
3-Whiskey River (7.57)
4-Organs (1.41)
5-The Antler of the Midnight Sun (4.05)
6-Brotherhood of the Harvest (3.03)
7-Wild Whiskey (4.44)
8-Blue Tomb (10.05)

Audio et vidéo :




Capté live l'année dernière :

26 juillet 2013

Plastic Crimewave Sound - Flashing Open (2004)

Steven Krakow est, de l'autre côté de l'Atlantique, considéré comme une figure de l'underground : musicien, dessinateur, écrivain, impresario, organisateur de festival et même historien de la musique à ses heures perdues ! Bigre. Bon, rassurez vous, il y a encore un an, on ignorait tout de ce personnage haut en couleurs.
Cette découverte, on l'a doit à Julian Cope qui tresse des louanges à Flashing Open, premier album du Plastic Crimewave Sound, le groupe de Krakow, qui se fait appelé Plastic Crimewave en hommage à un groupe psychédélique canadien, Plastic Cloud, et à un groupe de super-vilains de l'univers Marvel, Crimewave !

Le groupe se compose de musiciens prenant tous un pseudo délirant. Autour de Plastic Crimewave à la guitare et au chant, Mark Lux à la basse devient Raspberry Kidd, Lawrence Peters le batteur Skog Device et Adam Krakow, le frère de l'autre, Hands of Hydra !

Sorti en 2003, ce disque est un projet fou, sorte de trip psychédélique gorgé de fuzz, de boucles de guitares inversées, qui doit autant à Pere Ubu ou Hawkwind qu'à Spacemen 3 ou à Sonic Youth. Plus proche de nous, on se retrouverait entre les déflagrations d'un Jack Meatbeat et le psychédélisme déglingué des Clone Defects. D'ailleurs, à bien y regarder on peut voir en Plastic Crimewave un clone de Timmy Lampinen, tant ce Flashing Open présente de similitudes avec l'oeuvre postérieure du leader de Human Eye et Timmy's Organism : même goût pour les sonorités bruitistes, voix déclamée plus que chantée, paroles dignes d'une bonne série B de SF...

En face A, l'enchaînement "Caged Fire Theme" / "Go Away", introduit par le quasi instrumental et agrémenté de sitar "No Vision", devrait ravir les afficionados du genre. Preuve de l'ouverture du groupe sur diverses sonorités, "Perfect Glass Orchards", avec ses allures de faux-titres de Cure et qui prend des allures hawkwindesques dans son final, vaut des points !

Si l'album en soit sonne comme un patchwork des groupes sus-cités, le traitement, le caractère quasi improbable des compositions rassemblées ici, mérite que l'on s'y attarde. Là où le disque aurait du être décemment bancal, il est au final d'une grande cohérence, comme un moment de lucidité dans l'esprit que l'on devine enfumé de son géniteur.

La Face B repart sur des bases noisy avec "Giant's Eyes", suivi de l'étouffante "Husk". La voix de Plastic Crimewave se fait encore plus distante comme une voix au milieu du chaos.
Globalement, cette face B est plus éprouvante, plus claustro que jamais, le groupe poussant sa formule à son paroxysme.
Pas à un contre-pied près, "Roar Back And The Waves" conclue de façon bucolique un des disques les plus schizophrènes qu'il nous a été donné d'entendre.
Le genre de disque qui mérite parfaitement le terme d'O.M.N.I..

Frank
Side One
1. No Vision (3.37)
2. Caged Fire Theme (7.17)
3. Go Away (5.47)
4. Perfect Glass Orchards (6.52)

Side Two
1. Giant’s Eyes (5.27)
2. Husk (3.03)
3. Down & Out (Junky Lament) (5.48)
4. Roar Back and the Waves (2.47)

A Rocket Recordings ils sont sympas, ils ont mis l'album en écoute sur bandcamp !

1 mars 2012

Eighties Matchbox B-Line Disaster - Hörse Of The Dög (2002)

Il y a des disques qui demandent de la part de l'auditeur un minimum d'écoutes pour en apprécier tous les sucs. Dans le cas des Eighties Matchbox B-Line Disaster c'est plusieurs dizaines d'écoutes qui sont nécessaires et ce même si la claque que prend l'auditeur à l'écoute de ce premier album est elle immédiate.
Groupe anglais originaire de Brighton, les Eighties Matchbox se forme en 1999 et se compose de Guy McKnight (chant), Andy Huxley (guitare), Marc Norris (guitare), Symren Gharial (basse) et Tom Diamantopoulo (batterie). En plein revival rock, alors que l'Europe succombe aux Strokes, Libertines et autre White Stripes, ils proposent un rock ultra sombre porté par une voix gutturale, très vite saturée, des lignes de basse phénoménales (la palme à celle de "Team Meat"), un rythme de batterie tribale et des riffs de guitare qui vous cisaillent les esgourdes.... Le tout emballé en 10 titres pour 25 minutes par des gamins qui selon leurs propres dires savaient à peine jouer de leurs instruments quand ils se sont formés. Dans le genre nihiliste on a rarement fait mieux. Et c'est bien ce qui fait de ce disque définitif, un must have de la décennie écoulée.

Dès les premières notes de "Celebrate Your Mother" on sait que l'on a affaire à un grand disque, mais pas de ceux qui s'impose immédiatement à l'auditeur telle une évidence, non ici il faut se laisser emporter par le rythme, accepter de se faire violer par ce groupe dont on devine qu'il prend un malin plaisir à malmener l'auditeur pour le laisser exsangue 25 minutes plus tard. Et le pire c'est qu'on en redemande. L'équivalent musical du masochisme en somme. Les paroles sont à l'avenant (So celebrate your mother / You'd celebrate your father if he's sleeping with your sisters and your brother / And your mother / But you're always late so today celebrate).
Le plus étonnant reste cette indéfinissable capacité à emballer des pistes d'une telle efficacité en moins de trois minutes. Ainsi "Chicken" semble-être le meilleur morceau qu'aura oublié d'écrire Nirvana période In Utero, tandis que "Whack Of Shit" s'avère plus vénéneux et essentiel que toute la discographie de System Of A Down. "Psychosis Safari" voit le groupe s'engouffrer tête la première dans la brèche ouverte par les Cramps et "Giant Bones" remet au goût du jour la scène hardcore californienne 80's.
Aux confluents de nombreux genres musicaux (hardcore, punk, new wave, psychobilly, goth...), les Eighties Matchbox B-Line Disaster étaient surtout uniques.
Il faut écouter ces sommets de sauvagerie que sont "Fishfingers" ou "Morning Has Broken" pour comprendre ce que représentait ce disque à sa sortie : le retour à une forme de rock and roll primaire et bestiale.

Un disque ESSENTIEL.

Frank

Tracklisting :
1. "Celebrate Your Mother"
2. "Chicken"
3. "Whack of Shit"
4. "Psychosis Safari"
5. "Giant Bones"
6. "Fishfingers"
7. "Charge the Guns"
8. "Morning Has Broken"
9. "Team Meat"
10. "Presidential Wave"

En écoute ici :
http://grooveshark.com/#!/album/H+rse+Of+The+D+g/1782702





23 février 2012

Don Cavalli - Cryland (2007)

Cryland mérite sans doute le titre d'album le plus anachronique de l'année 2007. Un musicien hors-pair qui fait sien blues, groove proche d'un film de Blaxploitation et early rock and roll, le tout enregistré en analogique, on peut difficilement faire plus vintage pour reprendre un terme trop galvaudé par les temps qui court mais qui convient parfaitement à Don Cavalli.
Petite précision, mais de taille, le bonhomme ne vient pas d'un bouge du Mississippi, mais de la région parisienne ! Pourtant rien ne laisse présager de la nationalité de Cavalli tout au long des 13 brûlots présents sur ce Cryland.
Attention ce disque n'est pas vraiment un disque de blues, plutôt un magnifique hommage à la musique noire sous toutes ses formes avec il est vrai une prédominante blues. Mais l'ambiance qui se dégage du disque c'est bien plus que cela et à l'image de la pochette du disque, coloré, presque psychédélique, mêlant différents emprunts au hip hop (ces claps qui ponctuent certains titres), à la musique cajun ou au funk. Avec une production nickel, ça explose dans tous les sens, ça groove, ça swingue, la basse ronde à souhait servant de fil conducteur tandis que Don Cavalli distille des riffs incisifs de guitare avec une maîtrise rare. Un Don Cavalii dont la voix rauque et rocailleuse donne encore un supplément d'authenticité à un ensemble qui n'en manquait pourtant pas.
Gorgé de wah-wah, les titres de Cryland sont un parfait antidote contre la morosité, de "Gloom Uprising" au riff dévastateur (et qui s'incruste durablement) à cette reprise funky du "Summertime" de Gershwin, osée mais jouissive, point de fausses notes, juste une tripotée de bons morceaux. Le lancinant "River", le cajun de "Chérie Mon Coeur", "Aggression" que n'aurait pas renié RL Burnside, "Here Sat I" ou "New Hollywood Babylon" sont autant de morceaux qui une fois écoutés ne vous quittent plus.

Ce Cryland est l'archétype de ces disques soi disant mineurs mais dont on se surprend année après année de leur éternelle fraîcheur. Tous les classiques du rock ne peuvent pas en dire autant.
Groovy Baby !

Frank


Tracklisting :
1. Gloom Uprising
2. I'm Going To The River
3. Aggression
4. Here Sat I (Off Jumps The Don)
5. Vitamin A
6. Vengeance
7. Wandering Wanderer
8. Cryland
9. New Hollywood Babylon
10. Wonder Chairman
11. Cherie de mon coeur
12. Casual Worker
13. Summertime

En écoute ici :
http://grooveshark.com/#!/album/Cryland/3682920

Vidéos :






26 février 2011

The Embrooks - Yellow Glass Perspections (2004)

S'il y a bien un genre qui n'a jamais perdu de sa superbe depuis les sixties c'est bien le garage rock. Sorti en 2004, ce Yellow Glass Perspections du trio anglais The Embrooks en est la parfaite illustration : du garage et rythm'n blues à classer entre Yardbirds, Small faces, Stones ou Pretty things.
Au programme compositions originales et 4 reprises plus ou moins obscures : "Francis" de Gary Walker & The Rain, "Riding A Wave" de Turnstyle, "Feel Like Flying" des exceptionnels The Attack et "Children Of Tomorrow" de Mike Stuart Span.
A l'heure où on tresse des louange à Thee Attacks il était de bon ton d'évoquer ce Yellow Glass Perspections avec lequel il partage tant de similitudes.
Le disque démarre sur les chapeaux de roue avec rien de moins qu'un tube en puissance, le génial "Happy Fickle Girl" avant un "Francis" qui rend également hommage par ses splendides harmonies vocales aux Beatles et autres Knickerbockers. Le son chaud et puissant, l'excellente tenue des musiciens tous irréprochables leur permettent de faire feu de tout bois, que ce soit sur "Back In My Mind" au riff de guitare inspiré, "The Twisted Musings Of Sir Dempster P Orbiton 'deceased)" psychédélique en diable, "Riding A Wave" enrichi de violon et violoncelle ou "Nothing's Gonna Work" plus lourd qui les rapproche des Fleurs de Lys pour les connaisseurs...
La deuxième partie d'album est d'aussi bonne qualité, jamais le rythme ne faiblit alors même que le groupe prend parfois des risques comme sur "Emilia Burrows" à la construction complexe. Sur ce morceau, le groupe s'amuse à multiplier les changements de rythme en retombant à chaque fois sur ces pieds. Remarquable.
"Feel Like Flying" (dont la rythmique évoque "Molly's Chamber" des Kings Of Leon), "A note In My Drawer" poursuivent dans la même veine avant un "Show Me A Little Smile" pépite pop psychédélique somptueusement arrangée (piano, violon, violoncelle, avec de délicats arrangements de corde) qui fait la démonstration de l'incroyable talent de ce groupe sous-estimé.
L'album se conclue avec la reprise de "Children Of Tomorrow" qui a du marquer les Draytones et le plein d'à propos "The Time Was Wrong"
En effet, avec ce disque les Embrooks ont clairement montré leur déni de toute hype (on était en plein revival post punk et rave entre The Rapture et Franz Ferdinand). Ce qui devait arriver arriva, l'album malgré un passage en disque du mois dans R&F (merci Ungemuth) fut un bide et le groupe sombra dans l'oubli. Pourtant il s'agit dans le genre d'un des meilleurs disques jamais sorti. L'histoire, une nouvelle fois, est bien cruelle.

Frank

Tracklisting : 1. Happy Fickle Girl 2. Francis 3. Back In My Mind 4. The Twisted Musings Of Sir Dempster P. Orbitron (Deceased) 5. Riding A Wave 6. Nothing’s Gonna Work 7. Emilia Burrows 8. Feel Like Flying 9. A Note In My Drawer 10. Show Me A Little Smile 11. Children Of Tomorrow 12. The Time Was Wrong

Quelques vidéos :